Nullité pour déséquilibre significatif de la clause d’intuitu personæ non réciproque, par Jean-Baptiste Gouache

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Par un arrêt du 5 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a condamné les sociétés Pizza Sprint et Domino’s Pizza, sur le fondement du déséquilibre significatif à une amende civile de 500 000 euros et à la nullité de certaines clauses dont la clause d’intuitu personæ non réciproque, qui est, depuis des décennies, une pratique contractuelle généralisée de par son intérêt pratique pour les franchiseurs.

Cette clause est pratiquée pour une double raison.

D’une part parce que le ou la franchisé·e est choisi·e en raison de ses qualités personnelles qui sont propres à permettre ou non une exploitation satisfaisante du savoir-faire : elle facilite en conséquence l’agrément de l’acheteur de l’entreprise du franchisé.

D’autre part, s’agissant du·de la franchisé·e, il s’attache d’abord à la marque et au savoir-faire du franchiseur : une façon d’éviter qu’à l’occasion de la cession du réseau par le franchiseur, voire d’un simple changement d’actionnariat ou de dirigeant, le franchisé n’en tire prétexte pour sortir du réseau et cesser l’exécution de son contrat, sans avoir à régler d’indemnités.

Si l’intuitu personæ était réciproque, le périmètre du réseau ne serait plus préservé à l’occasion d’une cession. En l’absence d’intuitu personæ stipulée au contrat, la clause d’agrément ne pourrait plus être pratiquée.

Si un pourvoi a été formé contre cette décision, dans l’attente de la position de la cour de cassation qui pourrait bien entendu être confirmative, il est clair que la clause d’intuitu personæ non réciproque fait désormais courir un risque au franchiseur, tant d’amende civile que de nullité et de dommages et intérêts. Il est donc utile de s’interroger dès à présent sur les pratiques contractuelles à adopter pour tenir compte de cette nouvelle donne en cherchant à préserver le périmètre du réseau en le conciliant avec des techniques qui autorisent, indépendamment de cette clause, un contrôle des qualités du contractant sans recours à la clause dite d’agrément.

Il faut aussi retenir de cet arrêt que la cour d’appel a mentionné des critères de contrôle très large par le juge du déséquilibre significatif en semblant abandonner purement et simplement la notion de contractant incontournable : la plupart des réseaux de franchise sont désormais susceptibles d’être soumis à ce contrôle du juge sur leurs contrats, ce qui milite en faveur d’une attention accrue portée à cette pratique restrictive de concurrence et à la poursuite d’un examen critique des clauses susceptibles d’être critiquées à l’aune de cette notion. Une mise à jour des contrats, également nécessitée pour nombre de réseaux par l’entrée en vigueur du nouveau règlement européen d’exemption des ententes le 1er juin prochain, s’inscrit à l’agenda de ce semestre.

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