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Derrière la façade des enseignes, qui tient vraiment les commandes ? Au quotidien, le franchisé doit-il suivre la partition, improviser, ou imposer sa propre note ? Un dilemme qui agite bien des candidats à la franchise, à l’heure de signer.

« Le franchisé n’est pas managé, c’est un entrepreneur indépendant. » À peine la question posée, Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF), pose le cadre. C’est clair, net et précis. À contre-courant des idées reçues qui verraient le franchisé comme un pion sur l’échiquier d’une grande marque.

« Il a choisi de développer son business en utilisant une marque et un concept, mais il n’est pas sous tutelle. » Voilà pour la théorie. Et sur le terrain ?

Une liberté… non pas sans conditions !

En France, près de 84 000 points de vente franchisés (source : FFF, 2023) génèrent plus de 76 milliards d’euros de chiffre d’affaires. À leurs têtes, des chefs d’entreprise, partie prenante d’une relation franchiseur-franchisé multiple.

Le contrat ? central. Il scelle l’alliance : accès à un modèle, une marque, un savoir-faire éprouvé, en échange d’une redevance.

« Si vous choisissez la franchise, c’est que vous ne voulez pas réinventer un commerce ex nihilo : vous profitez d’années de tests, d’erreurs, de réussites – et de la puissance d’une enseigne déjà validée par le marché. »

Mais qui dit liberté ne dit pas chaos. « L’idée, c’est qu’il suit cette marque et ce concept. Sinon, il n’y a aucune raison de payer une redevance », poursuit la déléguée générale. Le franchisé reste libre – mais dans le cadre d’un modèle précis.

Le moindre écart, la moindre fantaisie (peindre un Burger King en rose ? Oubliez…) pourrait nuire à toute la marque : « Si vous ne suivez pas le concept, vous détériorez la valeur pour tout le réseau. »

Entrepreneur indépendant ? Oui. Mais guidé, conseillé, « jamais commandé ». La nuance est de taille. « Le franchiseur n’est pas là pour donner des ordres mais pour apporter le conseil, expliquer comment améliorer la rentabilité et la gestion », souligne-t-elle. Les équipes d’animation de réseau passent, observent, recommandent. Libre au franchisé d’appliquer – ou non.

Propriétaire, responsable, manager de ses équipes, le franchisé tient bel et bien les rênes… sous l’œil attentif du réseau.

Un accompagnement permanent, mais jamais identique

La frontière entre accompagnement et autonomie varie d’un réseau à l’autre – et parfois d’un franchisé à l’autre.

« L’assistance, c’est la promesse du franchiseur. Il apporte une formation initiale, une formation continue, un suivi régulier », insiste Véronique Discours-Buhot.

Mais le degré de présence du franchiseur, lui, n’est jamais figé. Il s’ajuste au fil de la relation, selon la maturité du point de vente et les aléas du marché.

Chez un nouveau franchisé, l’animateur de réseau joue les anges gardiens : « Un franchiseur va passer beaucoup plus fréquemment sur une nouvelle ouverture, il va aider le franchisé à démarrer. » Certains réseaux envoient même des équipes entières à l’ouverture, à la façon d’un commando de l’entrepreneuriat.

Mais la fréquence s’espace vite : « Parfois, il peut avoir un animateur de réseau qui passe deux fois dans l’année, parfois ce sont des réunions régionales ou des visios », détaille-t-elle.

Un accompagnement à la carte, qui s’ajuste aux besoins réels

« On estime qu’un bon franchiseur adapte les passages de ses animateurs en fonction des besoins de ses franchisés. Un nouvel arrivant a souvent besoin de plus de suivi, alors qu’un franchisé expérimenté peut très bien voler de ses propres ailes. »

Dans les faits, l’assistance varie aussi selon la conjoncture : arrivée d’un concurrent, baisse de chiffre, ou tout simplement envie d’innover. Sur le terrain, la relation peut vite basculer du coaching bienveillant à la mise sous pression, surtout quand les indicateurs virent au rouge.

Mais la FFF martèle sa ligne : « Le franchisé reste responsable de ses choix et de ses équipes. Personne ne va lui dire de licencier un employé ou d’en recruter un nouveau. » Autrement dit : le conseil oui, la gestion à la place du franchisé, non.

Ce modèle de « compagnonnage contractuel » laisse la place à des échanges d’expériences précieux. Réunions régionales, conventions nationales, partages de bonnes pratiques… Les réseaux multiplient les espaces de dialogue : « Le vrai métier du franchiseur, c’est de fournir une assistance, une marque, un savoir-faire et une formation. C’est pour cela qu’il est rémunéré », rappelle la déléguée générale de la FFF.

La frontière ? Elle se joue chaque jour, dans la confiance, la transparence – et parfois, la capacité à dire non.

L’art du collectif : quand le réseau devient force vive

Dans les coulisses des grandes enseignes, la frontière entre indépendance et collectif s’efface parfois au profit d’une logique de co-construction. Oui, le franchisé reste un entrepreneur « libre »… mais il est aussi acteur de l’évolution du concept.

« Il y a une co-responsabilité de la marque entre franchiseur et franchisés. Chacun contribue à nourrir et faire évoluer la marque », insiste Véronique Discours-Buhot. Ici, le dialogue n’est pas une option, mais la clé de la réussite.

La FFF observe une professionnalisation croissante des échanges : ateliers de travail, groupes thématiques, conventions nationales, etc. Autant d’occasions de faire remonter du terrain idées neuves et innovations : « Les franchisés ne sont pas juste là pour exécuter, ils font aussi évoluer le concept », rappelle la déléguée générale.

Exemple frappant dans le secteur du jardin : certains réseaux ont su intégrer de nouveaux services, comme la piscine, à la suite de tests menés par des franchisés pionniers, « souvent à l’initiative d’un membre du réseau qui a voulu aller plus loin que le concept initial ».

C’est toute la force du système : permettre à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice. « La communication est de plus en plus organisée, il y a des groupes de travail, des animateurs de réseau, des conventions pour faire émerger des bonnes idées », souligne Véronique Discours-Buhot.

Dans ces espaces, les franchisés partagent aussi leurs enjeux managériaux : comment fidéliser une équipe, comment aborder la multi-franchise, comment gérer la croissance… L’intelligence collective n’est pas un mot creux, mais une réalité quotidienne.

Alors, franchisé : manager ou managé ? Ni l’un ni l’autre, ou plutôt… les deux à la fois. Un entrepreneur, certes, mais pas solitaire. Un manager, oui, mais qui compose avec la force du collectif. Le modèle franchise, à la française, est avant tout un jeu d’équilibristes, où chaque voix compte et où la réussite se partage. À la clé : la promesse d’un succès durable… à condition d’aimer jouer collectif.

MEHDI ARRAIS

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