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Franchise participative ou partenariat : le franchiseur s’investit dans votre affaire
Un tiers des Français·es souhaitent créer leur entreprise dans les années qui viennent. Un désir motivé avant tout par un rêve d’indépendance. Mais quel modèle choisir parmi une palette de formules, richesse du commerce associé ? Dans une franchise participative, le franchiseur détient des parts de capital… et un pouvoir de contrôle. En contrepartie, le ou la franchisé·e reçoit un capital de la part de son associé.
Le nombre de franchises participatives augment depuis quelques années. Signe que le modèle satisfait les deux parties au contrat. Cette nouvelle formule d’association, à mi-chemin entre la franchise classique et la succursale, confère au franchiseur des parts de l’affaire, généralement entre 40 et 50 %, moyennant un apport en capital. C’est contraire, disent certains, à l’esprit de la franchise. Pas du tout, opinent d’autres experts, elle est un gage de sécurité.
La seule voie possible pour certain·es franchisé·es
La franchise participative se prête particulièrement bien aux réseaux où s’investissent des fonds propres importants lors du lancement, notamment la distribution alimentaire. En réalisant un apport en capital, le franchiseur règle pour le franchisé – le partenaire – la question des fonds à mobiliser. C’est aussi un puissant levier auprès des banques pour emprunter. En règle générale, la participation au capital du franchiseur ne dépasse pas 40 %. Dans tous les cas elles ne peuvent excéder les 49 %, car dans cette dernière hypothèse l’entité créée deviendrait une succursale du réseau. Côté franchisé, la franchise participative est une manière de limiter les risques liés au lancement, ainsi qu’à un changement de cap professionnel. Le créateur trouve le moyen de tester sa capacité à gérer une entreprise, tout en bénéficiant de l’accompagnement resserré du franchiseur qui, parce qu’il a investi son propre argent, ne manquera pas de le guider. Pour un cadre habitué au salariat, cet accompagnement et ce partage des risques sont appréciables. Enfin, la franchise participative va donner au franchiseur de meilleures chances de recruter d’excellents profils d’entrepreneurs, même s’ils ne disposent pas des fonds pour un apport initial.
Une stratégie de contrôle adoptée par certains réseaux
En contrepartie de son apport en capital dans l’entreprise, le franchisé bénéficie de droits nouveaux. Il est le maître de la gestion de l’entité : il assiste bien sûr aux assemblées générales, participe à la prise de décision, dispose d’un droit d’accès à toutes les informations relatives à l’entreprise, notamment le bilan et les comptes de l’entreprise, etc. Mais attention, le franchiseur s’octroie une garantie forte : à l’issue du contrat, il a le droit de refuser de renouveler l’association. Si le contrat prévoit une telle option, le franchisé n’a d’autre choix que de céder ses parts.
Une véritable stratégie de développement
Il n’a bien sûr aucune raison de lever cette option si l’affaire se révèle juteuse. Car si certains réseaux recourent à la franchise participative pour donner un coup de pouce à un franchiseur en manque de fonds propres, d’autres utilisent ce procédé comme outil de développement stratégique. Certains franchiseurs la pratiquent même de manière systématique. Il s’agit alors d’un moyen efficace de conserver le contrôle de toutes les unités du réseau. La contrepartie de l’apport, ce sont les droits dont bénéficie le franchiseur qui se concrétisent notamment au terme du contrat : par exemple refuser d’autoriser le franchisé à revendre la franchise à un tiers. Autre intérêt décisif, la franchise participative est un moyen de conserver un emplacement stratégique, même au terme du contrat de franchise. Dans les faits, cette stratégie est souvent adoptée par les réseaux pour lesquels l’emplacement concurrentiel est vital. La participation reste en outre le moyen d’assurer un maillage du territoire. Enfin la franchise participative se concluent généralement pour une durée plus courte que les contrats de franchise classiques et prévoient les conditions dans lesquelles le franchisé va revendre ses parts. Dans certains cas, le franchiseur souhaite rester prioritaire. Dans d’autres, il propose au franchisé de racheter ses parts dans les conditions prévues au contrat. La négociation des termes du contrat s’avère une étape stratégique !
Éviter la requalification en succursale
Mais côté franchisé, il a l’avantage d’exercer en pleine responsabilité la gestion de l’entreprise comme l’a fixé une jurisprudence de 1993. Le franchiseur est tenu de respecter l’indépendance du franchisé pour ne pas voir leur relation requalifiée en contrat de travail et donc sa responsabilité engagée en tant que dirigeant de fait. En cas d’abus, l’entreprise est requalifiée en succursale et le contrat de franchise est rompu. Dans un arrêt du 9 novembre 1993, la cour de cassation a requalifié une franchise en succursale au motif que le franchiseur détenait les documents comptables, sociaux et bancaires nécessaires à la gestion de la société franchisée. Il en avait conservé la signature bancaire, préparait les documents administratifs et les titres de paiement, établissait les déclarations fiscales et sociales, contrôlait le recrutement du personnel. Il avait participé en outre à la poursuite d’une activité déficitaire pendant plusieurs mois, bien qu’il connût l’insuffisance de la trésorerie du franchisé.
Attention à l’abus de minorité !
Un abus de minorité est caractérisé quand un associé minoritaire (le franchiseur) s’oppose à une décision essentielle pour la société dans « l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés », comme l’ont exprimé les juges dans une jurisprudence de 1993. En l’espèce, la cour de cassation a considéré que le refus de changement d’objet social constituait un abus de minorité. Cette décision se révélait essentielle pour l’exercice de l’activité activité. L’objet social, en limitant l’exploitation à une enseigne spécifique du groupe du minoritaire, empêchait tout autre exploitation. La cour a précisé que « le refus de vote de la modification statutaire […] ne s’explique que par sa volonté de préserver le système de franchise participative, pourtant régulièrement dénoncé, et ne répond qu’à la défense de ses intérêts personnels, lesquels se confondent avec ceux de la société Carrefour Proximité France ». Les conditions de l’abus de minorité étaient donc remplies.
Les points de vigilance dans le contrat :
Le contrat de franchise participative n’est pas encadré par une réglementation spécifique. Il est donc important de valider avec des experts les points stratégiques du contrat qui sont à l’origine des principaux désaccords. Avocats, juristes, experts-comptables veilleront à l’équilibre du contrat. Voici quelques points de vigilance :
– Veillez à bien définir les conditions de sortie, notamment la méthode privilégiée pour la valorisation des parts que le franchisé devra racheter ou revendre à l’échéance.
– Vérifier que le concept génère bien du cash au rythme et dans un volume suffisant pour justifier l’opération de rachat ou cession de parts au terme du contrat.
– Veiller à définir une participation du franchiseur qui soit inférieure à la minorité de blocage prévue dans les statuts.
– Annexer le pacte d’actionnaires au contrat de franchise.
– Définir précisément et clairement les champs d’intervention de chaque coactionnaire.
– Limiter les clauses d’exclusivité, notamment celles en lien avec les approvisionnements.
Marie Bernard
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