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Par conclusions du 11 juin 2024, le ministre de l’économie et des finances s’est joint à l’association des franchisés Carrefour dans une instance devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander sur le fondement du déséquilibre significatif incriminé à l’article L. 442-1 du Code de commerce, le paiement par le franchiseur d’une amende civile de 200 millions d’euros.
Ce montant est le plus élevé jamais réclamé par le ministre à l’encontre d’un franchiseur au titre du déséquilibre significatif. La demande, fort critiquable au regard du droit procédural (droit d’agir du ministre par demande incidente, prescription de son action) qu’au fond, remet en cause de manière fondamentale le montage contractuel et la pratique de la franchise par Carrefour.
Il est fait grief :
-> d’imposer des prix de revente conseillés excessifs et non compétitifs via la clause obligeant le franchisé à l’usage du logiciel de l’enseigne et de ses matériels de caisse, et via la clause permettant un contrôle du positionnement tarifaire du franchisé ;
-> d’imposer un taux de fidélité d’achat auprès de la centrale de l’enseigne entre 45 et 50 % que le ministre qualifie de quasi- exclusive ;
-> conditionner les ristournes de fidélité à un taux d’achat à la centrale de l’enseigne à 65 % ;
-> d’insérer clauses de non-affiliation ou de non-concurrence au contrat et une clause de
résiliation anticipée au bénéfice du seul franchiseur ;
-> d’imposer le recours à l’arbitrage ;
-> d’imposer en cas de franchise capitalistique un droit de préemption et une promesse de vente de l’entreprise franchisée survivant au terme du contrat de franchise ;
-> etc.
Nous pensons que le bien fondé de ces critiques n’apparait pas comme évident et nous verrons quelle est la position du tribunal de commerce de Rennes. Mais il me semble qu’il y a deux enseignements principaux à en tirer :
-> la franchise fonctionne quand les deux parties y ont un intérêt bien compris : le savoir-faire doit apporter au franchisé un avantage ; dans la distribution, le savoir-acheter et approvisionner du franchiseur, comme ses choix de partage de marge entre la centrale de l’enseigne et le franchisé déterminent largement cet avantage. Si le volume de marge du
franchisé ne lui permet ni de s’insérer dans le jeu concurrentiel, ni dans une perspective d’exploitation profitable, il advient un moment où, faute de perspectives, l’enseigne risque une
implosion du système économique et contractuelle qu’elle a mis en place.
-> le ministre a engagé ces dernières années de plus en plus d’actions contre des franchiseurs, en réclamant des amendes civiles de plus en plus élevées, et en n’hésitant pas à critiquer d’une manière très large des clause justifiables par leur utilité au système de la franchise : il est ainsi apparu un risque systémique important pour les franchiseurs, de contrôle étatique de leurs contrats, qui les fragilise. Ce risque doit être pris en compte non seulement dans la rédaction des contrats, mais aussi dans la gestion des situations de crise, des conflits avec les franchisés, pour éviter sa réalisation.