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A la croisée des genres, le joint-venture demeure un mode de développement peu plébiscité par les réseaux. Explications…
2010. Année du divorce dans la relation à trois entre Mcdonald’s et ses deux partenaires indiens, Vikram Bakshi et Arnit Jatia pourtant partis sur un joint-venture de 25 ans. La faute à des rumeurs évoquant un détournement de fonds de la part de Vikram Bakshi. Un exemple parmi tant d’autres qui atteste de la mouvance des rapports entre partenaires. Ce type d’association engendrerait de nombreux tourments dans la durée pour deux grandes raisons : volonté d’un actionnaire de récupérer la barre en cas de vent en poupe ou au contraire envie de quitter le navire si l’entreprise commune périclite. Semée d’embûches, la technique n’en demeure pas moins dotée d’avantages…
Un mode de développement multi-facettes
« Le joint-venture recouvre différentes formes mais consiste souvent en une société montée en commun entre deux partenaires, avec des règles libres qui permettent de répartir les risques et les responsabilités », définit Théodore Gitakos, dirigeant et associé-EPAC international. L’ensemble des points qui régissent la vie au sein de cette même société peuvent être inscrits dans les statuts ou faire l’objet de précisions dans un pacte d’actionnaires. Le pacte encadre ainsi la possibilité de cession de titres des partenaires. Autrement dit, en cas de conflit, le pacte autorise par exemple le rachat par le ou les associés pour transformer en conséquence le joint-venture master-franchisé en filiale du franchiseur. Le dit pacte prévoit généralement un règlement des situations de désaccord entre les partenaires afin d’éviter toute situation de blocage. En complément, la conclusion d’un contrat portant sur le savoir-faire entre son détenteur (franchiseur) et la structure commune scelle l’avenir des trois entités. « Le joint-venture permet un nombre de variations qui n’a pour limite que l’imagination des partenaires. Ces derniers pourront ainsi adapter le contenu de leur coopération à leurs besoins », souligne Me Rémi de Balmann, associé chez DMD avocats et expert à la FFF. Le genre de joint-venture le plus usité prend la forme d’un rapprochement entre une enseigne avec un opérateur local. Mais l’on peut également assister à la création d’une entreprise soutenue par un partenaire financier qui injectera les fonds utiles à la création du réseau et permettra d’accélérer le processus d’implantation du concept franchisé. Dans ce type de configuration, l’entreprise commune offre les avantages de la master franchise tout en permettant à la tête de réseau d’avoir une visibilité et un contrôle sur le développement. Le pacte d’associés vient renforcer le tout. Ces déclinaisons du joint-venture représentent ainsi une alternative aux modes classiques de développement à l’international, au carrefour de la master franchise et du succursalisme.
Un recours parfois nécessaire…
En matière de développement à l’international, le recours au joint-venture s’inscrit dans la même logique qu’une master franchise. Il s’agit pour la tête de réseau de trouver un partenaire doté d’une connaissance solide du marché, de la législation et des procédures administratives. D’ailleurs, « masterfranchise et joint-venture ne sont pas antagonistes », souligne Me De Balmann. Effectivement, le premier point de vente peut être créé au départ, dans une société en commun entre tête de réseau et futur master franchisé. Tout est une question d’accord et de développement. « C’est un moyen d’atténuer le risque financier lorsqu’un concept apparaît pour la première fois dans un pays », selon Théodore Gitakos. Les retombées financières peuvent parfois être conséquentes, avec d’une part les redevances classiques issues du contrat de franchise et d’autre part les dividendes dans le cas de figure où l’activité franchisée est bénéficiaire. Un moyen également pour le franchiseur de conserver une mainmise réelle sur le réseau exporté, puisqu’il sera actionnaire de la société placée à la tête du réseau local. Pour le partenaire local, cette mutualisation des risques permet également de surfer sur un concept adapté à son marché et ayant déjà fait ses preuves dans d’autres pays. Exemple de joint-venture : la marque Monceau Fleur crée depuis 2010 des holdings détenant entièrement une société possédant la master franchise sur un territoire donné. La tête de réseau y est à chaque fois actionnaire minoritaire. Avantages de la technique : en premier lieu, rassurer le master franchisé sur les engagements de la tête de réseau. Puis faire sauter les freins de financement sur les opérations de départ, lorsqu’une entreprise n’est pas connue sur le marché local. Et enfin donner un gros coup d’accélérateur au développement d’un réseau à l’étranger. Cela dit, dans de nombreux cas de figures, s’adosser à une entreprise locale devient un prérequis légal pour espérer pénétrer un nouveau marché. Certains pays imposent la création d’une coentreprise avec un partenaire. « C’est pratiquement le cas de tous les pays en voie de développement qui possèdent un dispositif en place qui contraint les entreprises étrangères », note Olivier Gast, Conseil et expert en franchise, président du CEDRE, club de franchiseurs.
…mais peu en vogue !
« Dans le cas des franchises, ce mode de développement est relativement rare. Le joint-venture relève souvent de la gageure en matière de droit international. Quel droit souverain ? Et que choisir en matière de cour arbitrale ? », questionne Pascal Lambert, dirigeant de Franchise expert. Et Olivier Gast de préciser : « le joint-venture n’est pas à la mode dans le monde de la franchise, simplement parce que ces pratiques induisent un apport d’actifs incorporels du franchiseur dans le contrat de joint-venture avec le master franchisé. Ce dernier apportant en général le cash. Le joint-venture de Danone, par exemple, avec son partenaire chinois, lui a coûté très cher ». Les cas pratiques ne courent donc pas les rues. Exemple beaucoup plus actuel, celui du réseau lux’ cupcakes (Luxembourg) et son implantation au Qatar. Ici, le franchiseur compte apporter son brevet dans le joint-venture tandis que le fonds qatari est censé pourvoir au financement des magasins dans la région du golfe persique. Si en apparences, le mode d’association semble gagnant-gagnant, il n’empêche que certains experts tirent la sonnette d’alarme pour prévenir de la vampirisation de certains savoir-faire «Aujourd’hui c’est une nouvelle politique des investisseurs qataris dans le secteur d’activité de lux’cupcakes. Ces fonds d’investissements cherchent à récupérer des actifs incorporels à bas prix à l’image des chocolats Galler dont les actifs ont été repris sans investissements lourds pour un nouveau développement au Liban et dans les pays du Golfe. C’est un moyen détourné et astucieux de récupérer les entreprises françaises et européennes à genoux », regrette Olivier Gast. Pour l’heure, lux’ Cupcakes est toujours en phase de pourparlers et exigerait une somme d’un million d’euros de droit d’entrée. Sorte de lot de consolation si l’association se révèle infructueuse et conflictuelle.
Article réalisé par Geoffroy Framery