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Joe Biden, candidat démocrate annoncé, est contraint de mener une campagne 100 % numérique qui peine à convaincre.
Le coronavirus leur a volé la vedette. Joe Biden et Donald Trump, qui devraient se disputer la Maison Blanche à la fin de l’année, doivent composer avec la pandémie. Entre campagne tronquée d’un côté et popularité en berne de l’autre, la crise sanitaire pourrait bien entamer leurs ambitions présidentielles.
Selon un sondage du Pew Research Center publié le 16 avril, 65 % des Américain/es jugent trop tardive la riposte de Donald Trump face à la catastrophe sanitaire. Vivement critiqué pour sa gestion de l’épidémie, qui a déjà touché 740 000 de ses compatriotes et fait plus de 40 000 morts, Donald Trump a perdu la main. La bonne santé de l’économie américaine avant la pandémie et le taux de chômage très bas (3,5 %), principaux arguments de l’actuel président pour sa réélection, sont bien loin.
Entre la présentation d’un plan de déconfinement qui laisse la main aux gouverneurs pour la reprise de l’activité et le soutien apporté aux manifestations anti-confinement couplés à un appel à la « libération » de trois États démocrates, le locataire de la Maison Blanche jongle dangereusement. Une situation qui pourrait à terme profiter à Joe Biden, seul candidat encore en lice pour l’investiture démocrate et futur adversaire de Trump. Reste que, s’il devance aujourd’hui le président en termes d’intentions de vote, l’ex-vice-président mène une drôle de campagne.
Campagne confinée
En temps normal, la période février-juin d’une année d’élection présidentielle américaine est rythmée par les résultats et les temps forts des primaires démocrates. Mais le confinement et l’actualité de la pandémie auront eu raison de la mise en avant médiatique de la course à l’investiture démocrate. Coupé dans son élan de reconquête, qui l’a vu remporter toutes les primaires de mars après un démarrage catastrophique, Joe Biden est depuis plusieurs semaines quasi inaudible. Contraint de mener une campagne virtuelle depuis le sous-sol de sa maison, le candidat Biden se contente de communiquer par podcasts, en livestreams et sur les réseaux sociaux. Une adaptation maladroite qui peine à convaincre et à fédérer. Le premier meeting virtuel de Biden, le 13 mars, a été un désastre technique. La chaîne YouTube du candidat atteint péniblement les 41 000 abonnés.
Malgré une campagne au ralenti, Biden devance Trump dans les sondages et peut compter sur le soutien de son camp. Depuis le retrait de son principal rival Bernie Sanders le 8 avril, l’ex-vice-président a primaires gagnées. Dans la foulée, Barack Obama, Elizabeth Warren et Bernie Sanders ont apporté leur soutien au septuagénaire. Si son hésitation à soutenir Hillary Clinton en 2016 avait pesé lourd dans la balance et coûté cher au camp démocrate, le socialiste Sanders n’a cette fois-ci pas hésité, pour vaincre celui qu’il juge être « le président le plus dangereux de l’histoire moderne ».
Docteur Donald et Mister Trump
Côté Trump, les conséquences électorales de la crise inquiètent de plus en plus. En profitant de son omniprésence médiatique et de l’invisibilité actuelle de son rival démocrate, le 45e président des États-Unis s’applique à détourner l’attention. Et semble avoir trouvé des boucs émissaires : la Chine et Joe Biden. Entre le lancement de campagnes publicitaires dénonçant les « relations dangereuses » de Joe Biden avec l’Empire du milieu et l’utilisation de l’expression « virus chinois » pour désigner la covid-19, le camp républicain relance une vague de sinophobie qui contente les milieux conservateurs et une grande partie de l’électorat pro-Trump. L’offensive se traduit sur les réseaux sociaux par un hashtag #BeijingBiden. La stratégie républicaine est claire : faire de la Chine le coupable de la pandémie et exploiter l’animosité croissante des Américain/es envers Beijing, pour sauver le camp d’une déroute électorale en novembre.
Mais le plan du Grand Old Party n’est pas sans obstacles. S’il incrimine la Chine et remet en cause ses chiffres de mortalité, le président s’applique en parallèle à maintenir des relations amicales avec son homologue Xi Jinping. Il le sait, un clash sino-américain risquerait d’être contre-productif et de provoquer une dégringolade des marchés financiers. Sans oublier que la Chine reste le principal pourvoyeur d’équipement médical pour les hôpitaux américains.
Une chose est sûre, la bataille électorale qui s’annonce se fera dans un contexte inédit, et la réélection du président Trump dépendra avant tout de la santé économique du pays. Et si le principal allié de Joe Biden s’appelait covid-19 ?
Adam Belghiti Alaoui, journaliste à la rédaction