Temps de lecture estimé : 4 minutes
Petit tour du monde des pratiques revues et corrigées
D’accord, la poignée de main est prohibée et le baiser interdit entre ami/es et collègues. On a aussitôt inventé une kyrielle de nouveaux contacts. Mais en plein confinement, ces nouveaux modes de salutation sont à leur tour suspects. Petit florilège transitoire des bonjours tolérables… ou pas.
On ne serre plus la main par mesure barrière ? Encore moins s’échange-t-on des bisous. Soit. En attendant, toute une panoplie de succédanés gestuels nous aident à rester « au contact », quoiqu’en pratique c’est surtout le mètre de distanciation qui prévaut parmi les gens qui travaillent encore ou se rencontrent dans la rue.
Mais avant de jeter un œil sur les supposés relais au salut, n’est-il pas temps de se demander pourquoi l’on serre la main ? Et depuis quand…
Code chevaleresque ou affaire de phéromones
Les historiens repèrent la poignée de main aux alentours de l’an 1000. Tout droit sortie des codes de chevalerie. On imagine bien que lorsque le chevalier tend la main à son alter ego, c’est pour lui montrer qu’il ne tient aucune arme. En face, on répond de la même manière, jusqu’à s’entrelacer les doigts.
Pas si simple, pensent d’autres chercheurs en sociologie. Et si se toucher revenait à se sentir ? C’est ce que l’on soutient au sein de l’institut Weizmann d’Israël. Pour avoir filmé 280 étudiants/es en posture de serrage de main et après, ils en ont conclu que la majorité des jeunes gens portaient furtivement leur main près du nez. D’autant plus, et d’autant plus nettement quand deux hommes ou deux femmes se serraient la main. Pourquoi cette vérification olfactive inconsciente ? Peut-être parce que, comme la plupart des mammifères que se hument mutuellement en quête d’informations sur l’« autre », on essaie, par le jeu des molécules, de faire analyser par le cerveau le « statut » du salué : dominant/e, dominé/e, disponibilité sexuelle, etc. Bigre. Il faudra que l’on prête attention à son geste après une poignée de main… en des jours moins contraints.
Panoplie des saluts coronoviraux
Alors comment se dire bonjour sans se toucher la peau ?
D’autant plus difficile que le réflexe est bien ancré. Quand la chancelière allemande s’est pris un « vent » de la part du ministre de l’Intérieur ou quand Gérard Larcher, le président du Sénat, a ostensiblement ignoré la pogne du sénateur Durain, la leçon a porté. Il aura fallu quelques jours d’avertissements et d’exhortations répétées pour que l’on cesse de tendre la main. Reconnaissons-le, l’aggravation des bilans et la peur bonne conseillère ont résolu pratiquement la question : on ne se salue plus que de loin, d’un geste de la main, quand on se salue ! Même le coup de coude ne fait pas envie. Les checks des ados, réinvention de la poignée de main, sont proscrits. Pour les inconditionnel/les du rituel, voici les gestes possibles repérés dans le monde entier.
- France : touchage de pieds (footskahe) et salut de la main prévalent. Quand des matchs avaient encore lieu sans public, il était interdit aux joueurs de se toucher ou de serrer la main des arbitres. Ballot, puisque par nature les joueurs s’envoyaient tous les postillons possibles dans la figure. La suspension des matchs a réglé la question.
- Chine : des panneaux montrent comment se serrer ses deux propres mains ou d’user du gong shou (paume sur le poing).
- Iran : on a un slogan (« Je ne vous serre pas la main parce que je vous aime bien ») et on avance poing fermé réciproquement sans se toucher. Le footskahe – touchage de pieds est recommandé. Entre hommes. Les femmes, elles, voilà belle lurette qu’on ne leur serre pas la main…
- Allemagne : on s’abstient de tout serrage de main, comme en France
- Espagne : pareillement, on se contente d’un « ola » distancié. Le souci va survenir en avril quand les croyants vont vouloir défiler devant les statues de la Vierge pour embrasser les mains ou les pieds de la sainte représentée. Il va de soi que les autorités interdiront la pratique. Mais l’on connaît les obsessions des cathos fondamentalistes, peut-être persuadé/es que la sainte patronne les protégera…
- Roumanie : « Donnez des fleurs, pas de bise ». Pour suspendre l’habitude du martisor du 8 mars, journée internationale de la femme, au cours de laquelle les Roumains offraient des fleurs, un baiser et une amulette aux Roumaines, le ministre de la Santé a ciselé ce slogan. De même, les églises orthodoxes ont suspendu le baiser aux icônes et instauré des cuillères jetables pour la communion.
- Aux Pays-Bas, où les bénitiers et la communion ont fait l’objet de précautions, il paraît que l’on n’a pas pensé à ne pas faire circuler la corbeille de la quête. Ballot.
- Liban : footshake de rigueur. Quatre fois si l’on veut.
- Brésil : dans un pays où cet abruti de Bolsonaro se moque du virus et veut que les affaires l’enrichissent comme avant, on a quand même mis en garde les buveurs de maté de ne pas se refiler la paille de fer qui fait le tour des bouches.
- Kirghistan : on a recommandé d’éviter les rassemblements dans les mosquées et de pratiquer la prière du vendredi chez soi.
Finalement, ce sont surtout les rituels religieux qui font les frais de la covid-19…
Merci au Midi libre qui s’est livré à ce tour du monde sans poignée de main.