Se mettre à l’heure espagnole avec flexibilité

Plus local, plus pragmatique, plus libéral… Le marché espagnol réserve des surprises.
Plus local, plus pragmatique, plus libéral… Le marché espagnol réserve des surprises.

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L’heure ibérique différente

Le marché espagnol de la franchise fait preuve d’un étonnant dynamisme et offre de nombreuses opportunités, à condition de faire preuve de flexibilité.

Des conditions d’investissement sympathiques (smic plus faible comparé à la France, charges réduites, impôt sur les sociétés à 15%…) avaient déjà mis l’Espagne dans le collimateur des franchises hexagonales. « De nombreux réseaux français se sont installés de l’autre côté des Pyrénées : Planet Sushi, Jeff de Bruges, la Brioche Dorée, le Kiosque à Pizza se sont lancés… sans oublier les enseignes de mode, de soins… », énumère Sylvie Gaudy, directrice du salon Franchise Expo Paris. Mais depuis quelques années, on peut évoquer un boom dans la péninsule ibérique : l’AEF (Association Espagnole de la Franchise) dénombrait 1 298 réseaux à fin décembre 2016, contre 934 fin 2010. Et les enseignes locales commencent à s’exporter : « les franchises espagnoles sont de plus en plus présentes au salon de la Franchise », remarque Sylvie Gaudy. En fait, l’intérêt suscité par les franchises en-dessous des Pyrénées est tel que les banques d’affaires déclarent ouvertement rechercher des projets dans lesquels investir. Mais si le marché est prometteur, il faut faire preuve de souplesse pour s’y installer.

Subtilités législatives

L’Espagne ne s’est pas dotée d’une législation spécifique à la franchise, mais elle opère dans le cadre législatif défini par l’Union Européenne. Dans l’esprit, cependant, la loi espagnole est plus libérale que la française. Par exemple, les exigences sur l’information précontractuelle sont similaires à celles pratiquées en France, mais « la jurisprudence espagnole actuelle considère que ce devoir d´information doit s´entendre au sens non littéral et doit être d´une certaine façon atténué, afin d´éviter l´annulation du contrat de franchise pour simple vice de forme », explique Me Catherine Marti de Anzizu, avocate au cabinet Toda & Nel-lo Abogados.

Parmi les différences législatives à connaître, celles concernant le droit du travail, et notamment les licenciements, sont une priorité : ils sont plus aisés, et leurs coûts sont établis, ce qui a une influence sur le business plan. Les charges sociales sont, elles, inférieures de 60 à 80% à celles pratiquées en France. Et surtout, il n’existe pas de bail commercial, du moins tel qu’on l’entend en France. Il est nettement moins contraint, très contractuel encore dans l’esprit, et surtout n’est pas renouvelé automatiquement.

Pour créer une entreprise en Espagne, deux principaux types de société sont possibles : la Sociedad Anonima (SA) qui est l’équivalent de la Société Anonyme en France, et la Sociedad Limitada (SL) qui est l’équivalent de la SARL (Société à Responsabilité Limitée). Il faut également obtenir un NIE (Numéro d’Identification des Étrangers), nécessaire pour toutes les démarches administratives ou presque. Les franchiseurs doivent, de plus, communiquer les renseignements le concernant dans un Registre des franchiseurs dans un délai de trois mois après le début de l’activité.

Un marché encore très local

Il existe peu de grandes villes en Espagne : ce sont surtout des villes moyennes, dans lesquelles existent encore beaucoup de fonds de commerce et de baux commerciaux. Les centres villes se sont vidés, comme en France, mais dans des proportions moindres. Et même dans les petites villes, il existe encore un tissu de petits commerces qu’il faut revitaliser. Les emplacements et les opportunités sont nombreux ; mais il faut s’adapter à chacun d’entre eux. L’Espagne est composée de 17 régions différentes, encore relativement autonomes : c’est une fédération, comme l’actualité récente nous l’a rappelé. Toutes ne présentent pas les mêmes opportunités ni les mêmes niveaux de développement. Par exemple, s’il y a une ville où débuter, c’est bel et bien Barcelone, plus touristique et cotée que Madrid. Si l’implantation-test du concept fonctionne à Barcelone, il a de bonnes chances de réussir ailleurs en Espagne.

Cinq régions concentrent plus des trois quarts des enseignes : la Catalogne, Valence, l’Andalousie, la Gallice et Madrid (la région inclut les zones périurbaines). Elles présentent également des distinctions culturelles (certaines sont plus rurales, par exemple) et légales. S’adapter à une région pourra ainsi demander de vendre des produits d’une gamme différente par rapport au concept « classique ». Cela implique également qu’il faut, pour chaque région, faire attention aux détails de la législation applicable au concept – du droit du travail à la fiscalité, en passant par la protection du consommateur, l’étiquetage des produits, les règlements sur le produit lui-même… Les contrats devront être modifié en conséquence si besoin.

Pragmatisme de bon aloi

Ce n’est pas la seule modification qu’il faudra d’ailleurs y apporter. « Quand un franchiseur connaît bien son produit et son concept, et a déjà dû l’adapter, fait des modifications au contrat, etc., il en a une idée très précise, et des documents fouillés, explique Me Catherine Marti de Anzizu. Il faut les comprimer, les rendre plus pragmatiques. » Les contrats de franchise doivent aborder l’essentiel, et cette même idée s’applique à tous les documents – en fait, il faut procéder à tout un travail de simplification du propos. Compte tenu, en plus, de la forte localisation du marché espagnol, une aide locale est indispensable. Heureusement, « le réseau d’accompagnement est très développé : conseils, aide au développement… », souligne Sylvie Gaudy.

Il faut également réfléchir en amont au type de projet que l’on veut mener – et cela ne veut pas seulement dire choisir entre franchise directe ou master franchise. « En un sens, on pourrait séparer les franchises en deux types : celles où le projet est complètement abouti, et où le candidat franchisé n’aura qu’à apporter un fonds de commerce et à le gérer, et celles où, au contraire, le candidat aura besoin de beaucoup mettre du sien, par exemple dans la façon dont il s’adapte à la région où il est implanté, estime Me Catherine Marti de Anzizu. Il n’y a pas vraiment d’intermédiaire. » À vous de voir quel type d’aventure vous tente…

Jean-Marie Benoist

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