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La conquête de l’Est
Le secteur de la franchise est dynamique outre-Rhin, mais il existe encore de nombreuses opportunités non explorées.
Pour ceux qui cherchent à s’étendre au-delà des frontières de l’Hexagone, l’Allemagne offre des perspectives alléchantes. Son marché, très ouvert à la fois à l’importation et à l’exportation, est stratégique pour un développement à l’échelle européenne. Compte-tenu de cette caractéristique et de la proximité géographique, il est naturel que ce puissant voisin soit également le premier partenaire commercial de la France. Mais ces qualités sont aussi des obstacles. « Ce marché, stratégique, est cependant difficile d’approche du fait d’abord d’un niveau de compétition exceptionnel », soulignait Gilles Untereiner, Directeur de la CCFA – Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Allemagne. En cause, l’ouverture du marché et la taille, souvent imposante, de la concurrence locale. Qui plus est, les entreprises locales sont souvent « d’une prudence exceptionnelle dans l’approche de nouveaux fournisseurs ou partenaires », continuait Gilles Untereiner. Cela peut paraître cliché, mais c’est vrai : en business, les Allemands sont consciencieux. Et ils ont une légère tendance au protectionnisme : racheter une entreprise allemande ne se fait pas tout de go. Si l’on veut s’étendre en Allemagne, le meilleur moyen est encore, pour porter un concept germanisé, de créer une filiale locale ou de trouver un partenaire. C’est pourquoi la franchise – soit par l’intermédiaire d’une filiale, soit par un master franchisé – est une solution particulièrement intéressante. De plus, c’est un mode de fonctionnement courant et apprécié outre-rhin (cf. encadré) – au point que le secteur est dominé par les enseignes locales. « Les marques étrangères ne constituent que 10% des enseignes de franchise en Allemagne », souligne Jérôme le Hec, avocat au cabinet Gouache. Ce qui ne signifie pas que c’est mission impossible : parmi d’autres, Brioche Dorée, Accor, Capifrance et ERA immobilier ont tous sauté le pas avec succès.
Similarités législatives
Du point de vue légal et juridique, l’adaptation est plutôt simple. Il n’existe pas, en Allemagne, de disposition légale particulière concernant la franchise ; c’est avant tout un mécanisme contractuel. Mais les similitudes sont malgré tout nombreuses.
Par exemple, s’il n’y a pas d’exigence particulière sur les informations précontractuelles, la jurisprudence demande que le franchisé dispose de toute l’information nécessaire (de plus, la fédération de la franchise allemande a adopté le code de déontologie européen). Mais, comme en France, il est de sa responsabilité de se procurer les informations de marché… De même, on retrouve dans le droit des contrats des notions de protections équivalentes à celle du déséquilibre significatif, des clauses de non-concurrence, la possibilité de conclure des agréments préalables en cas de reprise de l’activité…
Deux particularités, cependant, méritent d’être signalées. « Dans le droit civil allemand, très protecteur du consommateur, existe un droit de rétractation, explique Jérôme le Hec. Un franchisé, dans le cadre d’une distribution exclusive, est considéré comme un client du franchiseur – et bénéficie donc de ce droit de rétractation. » Et par ailleurs, si l’existence de divers Länder ne crée pas de différence sur la franchise en tant que telle – l’Allemagne est une fédération avec un système judiciaire unique -, des législations locales peuvent impacter l’activité, et doivent éventuellement être prises en compte. Tout cela rend indispensable le recours à des experts locaux pour valider les contrats.
Adaptation culturelle indispensable
Travailler avec des équipes locales est également indispensable pour appréhender la façon avec laquelle les Allemands travaillent, qui diffère un peu des habitudes françaises. Mais la vraie difficulté réside dans l’indispensable adaptation du concept au contexte local – et on ne parle pas que de traduction. C’est un travail qui devra être mené en collaboration avec des experts et avec, si possible, les futurs partenaires. Si, du point de vue des produits et des services, les points communs abondent entre la France et l’Allemagne, le comportement des consommateurs est lui bien différent. Le prix, par exemple, est un (si ce n’est le) facteur de décision majeur, au même titre que la qualité, ce qui explique que les enseignes de discount dominent le paysage. Le respect de l’environnement est, comparé à la France, un critère de choix beaucoup plus déterminant : le marché de l’alimentation écologique en Allemagne a clôturé l’année 2014 avec un chiffre d’affaire record de presque huit milliards d’euros. Et les goûts – notamment en matière alimentaire – demandent un minimum d’adaptation. Enfin, cerise sur le strudel, les consommateurs allemands sont très généralement parfaitement informés – ou du moins mieux que les français -, donc plus avertis et exigeants.
Jean-Marie Benoist