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African Queen
Les problèmes sociaux et sanitaires pourraient bien être réduits grâce à la franchise. Témoignages d’experts et de franchiseurs…
Pourquoi se lancer en franchise en Afrique dans le secteur social ? « Il s’agit de l’unique et meilleure façon de fournir un produit et/ou un service de qualité à un prix abordable à une large population dans des localisations multiples », explique Dr. Rozenn Perrigot, directrice de la Chaire Franchise & Commerce en Réseau à l’IGR-IAE Rennes – Université de Rennes 1. Entre autres, l’une des raisons du succès de la formule s’explique notamment dans l’impact limité des ONG qui n’auraient pas opté pour ce type de développement dans leur plan d’actions. Anne Welsch, relationship manager de JIBU, réseau spécialisé dans l’approvisionnement et le traitement de l’eau, composé de 30 franchises et 100 micro-franchises au Rwanda, en Ouganda et au Kenya complète : « Nous avions constaté le manque d’entreprises et d’emplois en Afrique, avec en parallèle l’échec de nombreux organismes pour fournir des solutions à long terme aux besoins humains fondamentaux, y compris l’eau potable. Notre modèle fournit le capital initial, l’équipement, la formation et les outils pour lancer des franchises avec les propriétaires d’entreprises liées à une mission sociale de fourniture d’eau ». C’est une façon de procéder qui applique les règles occidentales de la franchise mais qui nécessite une adaptation non seulement au marché mais également aux objectifs sociétal et social que se donnent ces réseaux de franchise.
La franchise sociale, une réussite en Afrique ?
L’Afrique est caractérisée par la prédominance de réseaux nord-américains et anglo-saxons ainsi que par l’arrivée de capitaux asiatiques. Peu de franchises européennes, françaises y compris, ont pris conscience des opportunités business que représentent l’entrepreneuriat et la franchise dans le secteur social sur le continent africain. « En matière de services, le champ des possibles de la franchise recouvre de nombreuses activités : le secteur de la santé d’abord avec des concepts de cliniques ou de dispensaires. La franchise permet de dupliquer le concept sur différentes zones, de créer des emplois, de fournir des soins de qualité à des prix abordables, de palier les problèmes de contrebande de médicaments, etc. La franchise concerne aussi l’éducation (écoles maternelles, primaires, collèges, lycées), l’approvisionnement en eau potable, le domaine de l’énergie, la distribution de denrées alimentaires et produits laitiers, l’accès aux toilettes, les systèmes d’utilisation de l’énergie solaire pour le petit équipement (lampes, téléphones portables). Ces secteurs impliquent une grande proximité avec la clientèle finale que la franchise facilite. Par ailleurs, la franchise crée des emplois dans les zones isolées (entrepreneurs-franchisés mais aussi salariés) », analyse Rozenn Perrigot. C’est un moyen de lutter contre l’exode rural qui touche ces régions. Un autre exemple concerne le développement rural en matière d’aspects vétérinaires et d’amélioration des rendements et de la productivité du bétail. « De nombreuses activités peuvent être développées en franchise. La distribution de lunettes ou encore des camions dotés de groupes électrogènes, qui vont de village en village pour recharger les téléphones portables sont d’autres exemples de concepts », pointe Rozenn Perrigot.
Etre franchiseur en Afrique, est-ce vraiment différent ?
Côté développement, ces franchiseurs font le choix de la franchise classique et/ou de la micro-franchise et leur réussite repose sur les grands principes de la franchise tels qu’elle est développée en Amérique du Nord et en Europe : existence et transfert de savoir-faire, assistance, image de marque, uniformisation des pratiques, indépendance des franchisés. « Nous avons choisi un modèle de franchise en raison du constat fait que les lancements entrepreneuriaux sans structures ni réseaux peut conduire à des pratiques commerciales immatures. Notre contrat de franchise nous permet de révoquer une licence JIBU si un franchisé s’écarte de nos valeurs, de notre business plan, de nos normes de qualité, de prix, ou du marché cible. L’accord oblige également les franchisés à commercialiser nos solutions uniquement aux consommateurs sur un territoire borné à un kilomètre de leur franchise. Les franchisés restent ainsi alignés avec nos objectifs de bienfaisance », poursuit Anne Welsch. Certaines fondations et ONG ont aussi pris le parti du développement d’un concept sous enseigne comme l’illustre CFW Clinics (Childhood and Family Wellness) qui comprend 60 implantations au Kenya : « La HealthStore Foundation® (HSF), organisme de bienfaisance, a été pionnier pour un modèle d’affaires de la clinique médicale en franchise qui offre « des soins efficaces de qualité » (EQCTM) dans des endroits où des soins de qualité inférieure prévalent trop souvent. Grâce à notre ONG – franchiseur au Kenya, nous soutenons 60 cliniques franchisées principalement détenues et exploitées par des infirmières praticiennes locales . Au cours des 15 dernières années, nous avons dispensé des soins à plus de 5 millions de personnes – la moitié dans nos cliniques et l’autre moitié via programmes d’éducation sanitaire et de prévention communautaire », note Lauren Fischer Beek, directrice de la communication de la fondation Healthstore. Le succès de ces cliniques est tel que les réseaux ghanéens et rwandais ont été ont repris par les sociétés SanfordHealth (Etats-Unis) et GlaxoSmithKline basé en Angleterre.
Franchise commerciale versus franchise sociale
Ce type d’entrepreneuriat social en Afrique s’exporte aux autres continents où les conditions de vie sont difficiles. Toutefois, une différence majeure en matière de modèle d’affaires est à souligner. Celle-ci qui distingue l’entrepreneuriat social en franchise selon le type de tête de réseau qui anime l’ensemble des points de services. Si des franchises comme JIBU appartiennent davantage au modèle de franchise et de micro-franchise tel que nous le connaissons en France mais adapté au secteur social, le modèle ONG-franchiseur, lui, semble être le seul recours envisageable si les conditions du marché ne sont pas suffisamment robustes ou autrement dit, que les patients soient solvables pour les soins dont ils ont besoin dans le cas de la clinique en franchise. « Sur l’intégralité du réseau, nous allons utiliser les fonds des donateurs pour assurer que les biens et services rendus par les franchisés soient payés par une partie des subventions. Une façon de s’assurer que la mission d’offrir un accès au plus grand nombre à des soins efficaces de qualité aux pauvres est accompli », précise Lauren Fischer Beek. Ce faisant, HealthStore a décidé en 2016 d’éliminer 15% de la perte intégrée des franchisés afin de leur permettre de payer une redevance et davantage épouser les règles de la franchise telles que nous les connaissons. En parallèle, la fondation a également repositionné la localisation des cliniques dans des zones plus densément peuplées..
Geoffroy Framery