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La franchise résiste. Quand l’économie se fissure ou craque, c’est le modèle le plus résilient. Ce fût le cas en 2010, en 2012 ou en 2021. Et il semble qu’elle endossera encore une fois ce rôle en 2024.
Disons-le, l’année 2024 n’est pas la plus propice au business. D’après les premiers chiffres d’Altares, le nombre de défaillances d’entreprises pourrait même dépasser la barre symbolique des 60 000 d’ici à décembre prochain. Une situation inquiétante, appuyée par les tumultes politiques qui plongent inexorablement la France dans un contexte moins favorable à l’entrepreneuriat. Pourtant, encore une fois, un modèle résiste mieux que les autres : la franchise. Selon l’enquête annuelle de la Banque populaire réalisée en partenariat avec la Fédération Française de la Franchise (FFF), encore 32 % des Français aimeraient créer leur entreprise et parmi eux, 43 % envisageraient de le faire en franchise. Aussi, selon La lettre des réseaux, 92 % des franchisés déjà installés recommandent ce modèle en 2024.
La franchise serait donc un business à toute épreuve ? En tout cas, les porteurs de projets le croient, toujours plus nombreux à candidater (nous comptions 92 132 points de vente franchisés en 2023, en pleine crise inflationniste, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2022).
La franchise est « une réitération de la réussite »
La grande force du modèle de franchise, c’est que les têtes de réseaux ont souvent déjà fait leurs preuves. Leur concept fonctionne. Il a été testé, re-testé, bêta testé à maintes reprises dans des points de vente « pilotes » avant d’être décliné. Avec un cahier des charges stricte mis à disposition du franchisé, il n’y a donc pas de raison que le concept en question soit mal reçu.
Sans oublier qu’un franchisé a souvent l’expertise de sa région. Avant de se lancer, il a réalisé les études de marché et a choisi son implantation avec minutie. Aussi, avec les clauses d’exclusivité par exemple, un réseau a tout le loisir de mailler son territoire dans les meilleures conditions pour contrôler la concurrence et ainsi rester plus efficace et résilient.
En gardant la main sur leur réseau, les franchiseurs peuvent aussi élaborer une stratégie et distiller leur savoir-faire dans les zones qu’ils pensent à potentiel. Ils renforcent ainsi leur marque, qui ne vacillera pas trop vite face aux difficultés. Cette gestion, souvent bien réfléchie, permet aussi aux franchisés d’entrer dans le réseau avec de solides garanties de résultats. Et leur réussite, aussi importante pour eux, que pour la direction, est au coeur de toutes les discussions. « En franchise, on travaille en intelligence collective. C’est le rôle des associations et des représentants de franchisés de discuter avec la tête de réseau pour que tout le monde aille dans le même sens. C’est gagnant-gagnant », pointe Olga Zakharova-Renaud, membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise.
UN FRANCHISEUR INTELLIGENT,
C’EST UN FRANCHISEUR QUI
ÉCOUTE SON RÉSEAU
La puissance d’être en réseau
Cet objectif commun, c’est la grande force du modèle de franchise. « Les franchiseurs ont intérêt à ce que leurs franchisés survivent et réciproquement. Ce qui est déterminant dans la gestion d’une crise, c’est de réagir au tout début, de ne pas être dans l’attentisme. Dans les réseaux, il y a beaucoup de solidarité, beaucoup d’entraide », affirme Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la FFF. « Même entre franchisés, la communication en temps de crise est décuplée », ajoute Olga Zakharova-Renaud.
Un constat qui se confirme par les différents témoignages de franchisés lors des dernières grandes crises qui ont frappé la France. En 2020, alors que la covid-19 restreignait l’activité économique de tout le pays, les entrepreneurs en franchise s’en sont mieux sortis notamment grâce à l’accompagnement de leur tête de réseau. Ouest-France révélait d’ailleurs à ce propos que 93 % d’entre eux avait reçu de l’aide du siège pour traverser cette période. C’est aussi 70 % des franchisés qui déclaraient, en 2021, avoir mieux résisté aux événements que s’ils avaient été indépendants.
Alors, face à la complexité du paysage économique actuel, le modèle de la franchise permet de rompre l’isolement de l’entrepreneur : « Exercer en tant qu’indépendant isolé est de plus en plus compliqué », affirme Sylvain Bartolomeu, président du cabinet
Franchise Management. Un constat qu’il partage avec Olga Zakharova-Renaud, du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise : « On n’a jamais raison seul. La descente d’information est ultra-importante en période de crise. » Pour elle, la clé de la résilience, c’est tout simplement le dialogue : « Un franchiseur intelligent écoute son réseau ».
LES FRANCHISEURS ONT INTÉRÊT À CE QUE LEURS FRANCHISÉS SURVIVENT ET
RÉCIPROQUEMENT
Un accès facilité aux innovations
De fait, l’une des forces qui avait caractérisé le modèle de franchise en temps de pandémie, demeurait aussi l’adoption très rapide des systèmes de click and collect ou autres types de livraison. En quelques semaines seulement, les franchisés étaient équipés : « Ces outils n’étaient pas toujours utilisés à 100 % mais, avec la crise, les franchisés ont juste eu à appuyer sur le bouton et à demander la formation », note Véronique Discours-Buhot. Cette réactivité les a sauvés.
Et aujourd’hui encore, avec la crise inflationniste et politique, certains réseaux ont fait tourner à plein tube leur secteur R&D. L’objectif ? Réduire les coûts de production pour préserver leur pouvoir d’attraction. À ce jeu-là, les franchiseurs « food » s’en sont le mieux sortis. « Quand on a des équipes dédiées à la gestion de crise qui ont des budgets pour innover et adopter des nouvelles technologies, cela facilite à la fois le redémarrage et la résilience », appuie Olga Zakharova-Renaud.
Finalement, après quelques inquiétudes qui planent autour du marché de la franchise, Sylvain Bartolomeu, du cabinet Franchise Management, assure qu’il se porte bien cette année avec 88 milliards d’euros de chiffre d’affaires global et des parts de marché qui grossissent. « La mécanique de réseau organisé prend de plus en plus de poids », ponctuet- il. Si l’on dit que chaque crise est une opportunité, il semble que cette maxime s’accorde particulièrement bien aux cas des franchises.
« La puissance de la marque ET du produit »
Au sortir d’une crise générale, les réseaux de franchise redémarrent aussi souvent mieux que les autres. Et cela, c’est dû à la puissance de leur marque et de leur notoriété. En scrutant les derniers classements des enseignes préférées des Français, certains réseaux reviennent chaque année (Action est numéro un depuis deux ans par exemple, Leroy Merlin truste le podium tous les ans depuis 2020). Ces marques, profondément ancrées dans les habitudes d’achat des Français sont alors mieux équipées pour traverser les moments plus compliqués.
« Les équipes marketing ont, elles aussi, plus de poids pour donner et redonner envie aux gens de venir en magasins », affirme, à ce sujet, Olga Zakharova-Renaud. L’experte analyse le comportement d’achat des Français : « Ce qui maintient les réseaux de franchise à flots, c’est la puissance de la marque ET du produit. Les gens savent ce qu’ils trouveront dans leur point de vente et c’est pour cela qu’ils s’y déplacent ».
La franchise s’appuie donc sur des marques fortes qui rassurent les clients. Lesquels savent bien qu’en cas de défaillance d’une unité franchisée, le réseau prendra le relais. Aussi, les contrats de partenariat signés à l’échelle nationale sont sûrs d’être honorés dans leurs termes contractuels.
Des secteurs moteurs
« Tout est franchisable, pour peu que l’on apprenne à standardiser ses produits », assurait Nagi Morkos, du cabinet libanais Hodema, dès 2011 (soit à peine deux ans après la crise des subprimes). Et plus d’une décennie plus tard, le modèle est installé confortablement au sein de la quasi-totalité des domaines de l’activité économique tricolore.
QUAND ON A DES ÉQUIPES DÉDIÉES À LA GESTION DE
CRISE, CELA FACILITE À LA FOIS LE REDÉMARRAGE ET LA RÉSILIENCE
Ainsi, la franchise s’est exportée sur des domaines porteurs comme le service à la personne par exemple. L’Observatoire de la franchise recense aujourd’hui 121 réseaux qui se sont penchés sur ce sujet. « La silver économie en général porte le marché de la franchise. Il y a 240 000 seniors de plus de 75 ans en plus chaque année », pointe à ce propos Sylvain Bartolomeu. La grande force du modèle de franchise est donc de pouvoir s’adapter aux conjonctures macro-économiques et sociales pour aller chercher du chiffre d’affaires là où il se trouve.
D’autres secteurs clés en France aujourd’hui profitent de ce même développement en franchise. Pour le tourisme par exemple, l’Observatoire de la franchise recense 20 réseaux bien installés dans le paysage économique du pays. Pour les énergies renouvelables, on trouve sur le territoire 29 réseaux. Sur les questions du digital et de la cybersécurité, certains réseaux ont aussi fait leur apparition et parviennent à un bon développement. Au global alors, le marché de la franchise saura toujours rebondir et faire perdurer son modèle.
Olga Zakharova-Renaud nuance tout de même : « Il faut bien faire le distinguo entre une crise générale et une crise sectorielle. Oui, les franchises résistent mieux aux crises générales que les indépendants. En revanche, si la crise est sectorielle, des réseaux entiers peuvent s’effondrer. C’est le cas notamment dans le prêt-à-porter en ce moment, où les indépendants performent bien mieux que les franchisés. » L’experte conclut en rappelant que les franchisés sont tout de même dépendants de la gestion de leur franchiseur et que, de ce fait, mieux vaut qu’il soit pertinent dans sa prise de décision.
TANGUY PATOUX