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Alors, comme ça, nous sommes déconfiné/és ? Presque ? Il paraît…
Un seul ennui : nous nous évitons comme… la peste. Nous déambulons dans une société de masques sans carnaval, nous retrouvons des magasins sous haute surveillance aux aménagements variables : il faut lire le mode d’emploi sur la porte d’entrée et ses variantes, avec ou sans masque obligatoire, avec ou sans sens de circulation. Nous ne pouvons plus sourire aux gens, nous n’apercevons que des regards à décrypter, la plupart du temps sans même les croiser tellement ces étrangers à nous-même évitent le nôtre, de regard.
Pire : le naturel franchouillard aidant, nous assistons tous les jours au petit jeu de resquilleurs sans vergogne qui imposent leur chariot au-devant de la file pour s’éviter la longue procession des chalands filtrés par un employé qui n’a cure de jouer les gardes-chiourmes. À Bron, dans la banlieue de Lyon, un trentenaire dont l’intrusion dans la file n’avait pas été couronnée de succès est revenu avec sept comparses armés de battes de base-ball à la recherche des deux clients du magasin qui s’étaient opposés à sa resquille. Faute de les retrouver, le gang a fracassé des vitrines. Le jour où l’on relèvera des morts dans ce genre de rixe n’est pas loin. Mort à cause du connardàvirus…
À Florence, la cathédrale impose autour du cou des visiteurs des radars d’approche qui bipent et s’allument si l’on passe à moins de deux mètres de son voisin. Voilà ce que nous lègue au moment de son extinction l’épidémie : une société de la défiance où va traîner très longtemps la peur de l’autre. Un article du Guardian de Londres démontre que la covid va laisser son empreinte sur les villes prises dans l’étau d’une densification contradictoire avec la distanciation, forcément attelée à la révision des transports en commun-bétaillères sur fond de généralisation du télétravail, axes vélos-trottinettes, appartements conçus avec balcons…
Et si nous oublions vite ces deux mois prolongés pendant lesquels le voisin, le parent, l’ami/e, l’amant/e est devenu un/e intouchable, si nos bureaux, nos cités ne prévoient pas la prochaine pandémie, un coronavirus 3, 4 ou 5 reviendra nous faucher avec aveuglement. À ce jeu de la prospective, les présidents de quelque chose, les maires, les architectes, les chef/fes d’entreprise devront jouer leur rôle d’inventeurs de sociétés parées, équilibrées, dépolluées, prêtes à affronter quelque calamité. Il nous faut changer. À la manière de Giraudoux, cela a un très beau nom, femme Narsès, cela s’appelle l’aurore.
Olivier Magnan, rédacteur en chef