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2 500 entreprises se créent chaque année en franchise en France. On connaît le principe : le franchisé verse un droit d’entrée au franchiseur. C’est tout ? Bien sûr que non. Au-delà de ce ticket, il faut s’installer, recruter, payer des formations… Donc emprunter ou lever des fonds. On ne crée pas la marque, mais c’est un atout qui se paie cash.
Et tellement cash qu’adhérer à un réseau de franchise coûte généralement plus cher que de se lancer dans la création d’une entreprise en solo. Pour cause, les avantages qu’offre un réseau (notoriété de l’enseigne, son savoir-faire, l’accompagnement du franchiseur, etc.) ont un prix. Premier investissement, l’ouverture (le droit d’entrée), dont le montant varie d’une enseigne à une autre. Prix moyen d’entrée : 15 000 euros. Puis, chaque mois, tombent les royalties. Un pourcentage du chiffre d’affaires, entre 1 et 5 %, réclamé par trois enseignes sur quatre. Il atteint parfois 8 %. À quoi s’ajoutent d’autres investissements à l’installation : un franchisé a besoin de faire appel à des experts, réaliser une étude de marché. Souvent, une redevance publicitaire définie par le franchiseur, prendra l’allure d’un versement mensuel fixe ou imputé sur le CA du franchisé (généralement à hauteur de 1 à 5 %). Viennent aussi dans le business plan l’emplacement et l’aménagement du local. Une idée globale du coût s’établit sur une moyenne de 600 euros le mètre carré, mais tout dépend de l’activité, de l’emplacement. En additionnant tous ces apports et redevances, compter de 20 000* à 450 000 euros l’investissement initial. Bien sûr, certaines franchises d’ampleur atteignent le million et au-delà.
Rechercher soi-même la rentabilité de l’affaire ?
En face, se profile une rentabilité rapide qui constitue tout l’attrait d’une franchise. Selon l’enquête de la Banque populaire, le chiffre d’affaires médian des franchisés fut de 470 000,00 euros en 2016. Mais comment évaluer cette rentabilité ? « Malheureusement, la loi Doubin [lire dans ce numéro], n’oblige pas les franchiseurs à communiquer sur la rentabilité de leur réseau. Seuls les comptes de la tête de réseau sont obligatoires. Heureusement, beaucoup de franchiseurs vont plus loin que cette obligation légale. Il est nécessaire de surveiller les comptes de franchiseurs pendant la période de démarrage de 1 à 3 ans et pendant la phase de “croisière” de 3 à 7 ans », conseille Théodore Gitakos, fondateur de TG Conseils, un cabinet de conseils spécialisé en réseaux de franchise. « En tous les cas, figure dans le DIP** la liste des franchisés d’un réseau. Il n’est pas interdit de prendre contact avec eux et de poser des questions sur tous les sujets, y compris la rentabilité », suggère ce membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise (FFF). Négocier le droit d’entrée ? La marge des négociations est étroite, mais plusieurs aides de financement existent, la fameuse suite des Accre, Acre, Arce, Are, Nacre***. Sans oublier le prêt à la création d’entreprise (PCE) ni les prêts d’honneur à taux zéro et autres crédits solidaires.
La reprise d’une franchise, forcément plus cher
Serait-il plus simple et moins coûteux de reprendre une franchise, puisque tous les coûts initiaux ont été investis ? « C’est souvent l’inverse, met en garde Théodore Gitakos, parce qu’on achète une affaire déjà lancée qui dispose d’une assise financière établie » et dont le patron demande le prix. L’opération offre pourtant de nombreux avantages : notoriété, clientèle, chiffre d’affaires, local, etc. D’après une étude de l’Observatoire BPCE, publiée en 2017, au moins 75 000 entreprises françaises sont cédées chaque année, franchises incluses. La majorité (60 %) se font racheter par des fonds ou se transmettent au sein du cercle familial. Il ne reste donc plus que 40 % d’entreprises à vendre sur le marché. Plusieurs bases de données les recensent : TransEntreprise, Fusacq, cession PME, Michel Simon, CRA, Bpifrance, BNOA ou encore celles de la CCI ou de la Chambre des métiers. D’autres pistes sont à explorer, comme la presse et les agences spécialisées. Sans négliger le bouche-à-oreille dans la mesure où les franchisés qui cèdent leurs entreprises ne souhaitent pas toujours le faire savoir à leurs clients, leurs salariés ni à leurs fournisseurs. Les franchiseurs sont souvent les premiers à annoncer que leurs franchisés veulent passer la main, d’où l’intérêt de les interroger en premier lieu si l’on vise une enseigne. Conseil : face à un franchisé nouvellement installé qui veut céder son affaire, « il faut se montrer très attentif aux raisons de la cession – franchise peu rentable, promesses non tenues, etc. –, hors raisons personnelles particulières », prévient Théodore Gitakos.
Le repreneur doit bien sûr disposer des fonds nécessaires au rachat d’une franchise déjà en place. Ils sont composés d’un apport personnel (au minimum de 30 % du prix total de l’entreprise) et d’un emprunt bancaire. De nombreuses aides existent pour financer un « reprenariat », dont celle de Bpifrance. De plus, selon la zone d’implantation de la franchise, mais aussi des conditions d’emploi et d’investissement, il est possible de bénéficier d’une « prime d’aménagement du territoire » de la part de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar). Dans le cadre du rachat, libre au repreneur de négocier avec le cédant, tel un paiement échelonné.
D’autres formules s’offrent au futur franchisé
Dans les années 1970, 80 % des enseignes se développaient en franchise proprement dite. Aujourd’hui, les têtes de réseau alignent des formules contractuelles de commerce associé qui vont déterminer l’investissement initial.
• Licence de marque : c’est un accord par lequel le titulaire d’une marque, le concédant, autorise une autre personne, le licencié, à utiliser cette marque moyennant le versement de redevances (royalties). Il s’agit donc d’un contrat de louage de marque. Le concédant titulaire de la marque définit dans le cadre de ce contrat l’image de la marque et la façon dont le licencié pourra l’utiliser (prix, produits/services, promotion des ventes, publicité et communication). Une façon rapide de créer un réseau sous son enseigne et d’améliorer la notoriété de la marque. « Ici, il n’est pas question de mise à disposition d’un savoir-faire éprouvé qui réponde à des qualités spécifiques ni de la stipulation nécessaire d’une assistance obligatoire, deux éléments qui différencient clairement la licence de marque de la franchise », explique Jean-Baptiste Gouache, avocat d’enseignes, membre du collège des experts de la FFF, chroniqueur de Franchise & Concept(s).
• La coopérative : proche des principes de la franchise, elle s’organise de façon horizontale. « Les coopérateurs sont aussi copropriétaires de la société qui exploite des entreprises indépendantes fondées sur le concept de la société à la tête de leur réseau, explique Martin Le Pechon, avocat à la Cour – membre du Collège des experts de la FFF. Les membres du réseau détiennent une participation, de quoi jouer un rôle actif d’associés et d’influer dans la gouvernance de l’entreprise. La coopérative ne distribue pas de dividendes, mais procède le cas échéant à la répartition d’une “ristourne proportionnelle”. » Plus coûteux que la franchise ? Pas forcément. Certaines enseignes, quel que soit leur mode d’organisation, impliquent peu d’investissements quand d’autres exigent au contraire des fonds extrêmement importants. « En pratique, le coût des titres détenus dans la coopérative est généralement extrêmement limité », précise le fondateur de CLP Avocats, cabinet spécialisé dans le conseil et la défense des têtes de réseau.
• La concession commerciale : elle se définit par ses exclusivités. Stipulées ou non dans des contrats de franchise ou de licence de marque, ces exclusivités ne caractérisent aucunement la concession. Le concédant s’engage à fournir exclusivement en produits contractuels un concessionnaire qui jouit d’une exclusivité territoriale et s’engage dans une exclusivité de revente. Axée sur la distribution de produits (secteurs de l’automobile, matériaux de construction, par exemple), la concession a séduit nombre d’industriels. Le contrat comporte une mise à disposition d’enseigne. « Ici, il n’est pas question de mise à disposition d’un savoir-faire éprouvé sur des qualités spécifiques ni de la stipulation nécessaire d’une assistance obligatoire, ce qui distingue nettement la concession de la franchise », souligne Me Gouache. Comme pour le contrat de licence de marque, « le coût est déterminé par le secteur d’activité, les investissements spécifiques à l’enseigne et les paiements liés aux contrats, fixés librement. La licence ou la concession ne sont pas nécessairement moins coûteuses pour le distributeur », explique l’expert.
• La commission affiliation : contrat par lequel une enseigne, propriétaire d’un stock de marchandises, va placer ce stock en dépôt chez un commerçant indépendant, le commissionnaire affilié. Le commissionnaire affilié est chargé de vendre, au sein d’un magasin, sous l’enseigne du commettant ou donneur d’ordre, les marchandises. Il sera commissionné sur la vente de ces marchandises. Un contrat qui « laisse au commettant donneur d’ordres la propriété de son stock de marchandises. Par conséquent, le commissionnaire affilié, qui exploite le point de vente sous l’enseigne, dans le cadre de normes architecturales définies par le commettant, n’aura aucun investissement à consacrer à l’achat du stock. De quoi faciliter le développement de l’enseigne qui pourra s’ouvrir à des candidats disposant d’un apport personnel moins significatif puisqu’ils n’ont pas à financer de stock. » Le fournisseur est propriétaire de la marchandise et rémunère le distributeur en commissions sur le chiffre d’affaires généré. Aucune obligation d’accompagnement n’est généralement prévue au contrat. Certaines enseignes pourtant proposent une formule d’assistance. L’affilié conserve le droit de commercialiser d’autres produits ou services sur son lieu de vente.
• Le partenariat : à mi-chemin entre la franchise et la concession, le partenariat prend la forme d’un accord commercial entre des partenaires indépendants qui repose sur un intérêt commun. « Comme la coopérative, il est organisé de manière horizontale », indique Michel Kahn, consultant en franchise et président de la Fédération des Réseaux européens de partenariat et de franchise (Iref). Le partenariat implique la mise à disposition d’un concept par l’un des partenaires en contrepartie du versement d’une contribution directe ou indirecte, mais ce concept est adapté dans une proportion d’au maximum 20 % aux particularités locales. « Celui qui adhère à ce contrat est libre d’adapter le concept général aux particularités de sa localité pour être plus proche des attentes de ses clients et par conséquent augmenter leurs satisfactions dans les relations marchandes, précise notre grand spécialiste des formules de commerce associé. Le partenaire est également beaucoup plus impliqué dans la vie du réseau à travers le conseil consultatif et prend part à la politique générale de l’entreprise, aux campagnes d’achats de produits et aux campagnes de communication, mais aussi à l’organisation interne. »
Anna Ashkova
* Lire l’enquête En couverture de ce numéro.
** Document d’information précontractuel
*** Acre (ex-Accre), aide aux créateurs ou repreneurs d’entreprise, Arce, Aide à la reprise ou création d’entreprise, Are, Aide de retour à l’emploi, Nacre, Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise (prêt à taux zéro). Le détail de ces dispositifs est bien résumé chez www.creerentreprise.fr/difference-accre-arce-nacre-are/