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Prévoir un délai de prescription abrégé est une manière extrêmement efficace d’empêcher tout recours en justice. La pratique est malheureusement courante dans les contrats d’adhésion, notamment dans les contrats de franchise. Dans un arrêt rendu en mars dernier (Cass. 1ère Civ. 13 mars 2024, n°22- 12.345), la Cour de cassation apporte une limite indispensable à cette pratique pour préserver le droit d’agir en justice.
Ne pas confondre la durée et le point de départ du délai
L’article 2224 du Code civil énonce le principe de la prescription quinquennale en ces termes : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » La durée du délai peut toutefois être aménagée par les parties, aux termes de l’article 2254 du même Code.
Dans l’affaire soumise à la Cour, le contrat prévoyait un délai de prescription d’un an à compter du fait générateur. La Cour a estimé à juste titre que ce délai était contraire aux dispositions légales : si les parties peuvent aménager la durée du délai, le Code Civil ne prévoit en aucun cas la possibilité d’avancer son point de départ. Ce dernier est toujours fixé au jour où l’intéressé a eu (ou aurait dû avoir) connaissance des faits lui permettant d’agir en justice et non pas de la survenance des faits.
L’interdiction d’avancer le point de départ du délai de prescription garantit que chaque partie a réellement la possibilité d’agir en justice pendant au moins un an. Il existe en effet de nombreuses situations dans lesquelles les faits justifiant une action judiciaire sont révélés postérieurement à leur survenance.
Un principe transposable à de nombreux contrats de franchise
Si l’affaire tranchée par la Cour de cassation ne portait pas sur un contrat de franchise, le principe énoncé dans cet arrêt s’applique également aux contrats de distribution. Il est fréquent en effet que le franchiseur prévoit par exemple un délai de prescription d’une année
à compter de la signature du contrat, dans le but évident d’éviter tout action de part de son cocontractant. Or certaines actions ne peuvent pas être intentées dans l’année suivant la signature du contrat. Ainsi en est-il par exemple d’une action en nullité du contrat pour dol : il faut que le franchisé ait un certain recul sur son activité (en pratique au moins un exercice plein) pour apprécier l’opportunité d’une telle action. Des arrêts antérieurs avaient déjà estimé que le franchisé devait avoir un recul suffisant sur son activité pour initier une action en nullité suite à la transmission de prévisionnels excessivement optimistes par le franchiseur (par exemple la Cour d’Appel de Paris jugé que le dol ne pouvait être découvert avant la clôture du deuxième exercice – voir CA de Paris, 24 octobre 2018, n°16/10932).
L’arrêt rendu en mars dernier par la Cour de cassation a le mérite d’énoncer un principe clair qui protège le droit d’agir en justice : l’intangibilité du point de départ du délai de prescription.