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Devenir chef·fe d’entreprise ne passe pas nécessairement par une phase de création synonyme de risques importants. La reprise d’une enseigne a de quoi s’avérer très rentable et sécurisant. À condition de viser juste. La reprise en franchise est plus complexe qu’une reprise simple. On vous dit pourquoi.
Il existe bel et bien un marché de la reprise pour le commerce organisé. La 17e enquête Franchise réalisée par Kantard pour Banque Populaire-FFF révèle que l’ancienneté moyenne d’un franchisé au sein d’un réseau en 2020 est de 13 ans. Or 30 % des franchisé·es envisagent de céder leur commerce dans les cinq ans et 30 % dans les 10 ans. Des données chiffrées qui montrent l’existence d’un marché important et… de belles affaires. Reste à savoir décrypter les données et éviter les pièges.
L’avantage de reprendre une franchise
C’est avant tout de réduire les risques que génère la création d’une boutique ou d’un service franchisés. Les banques sont d’ailleurs plus enclines à financer un commerce affilié à un réseau. Selon l’enquête Kantar, 62 % des franchisés estiment que le statut a joué en leur faveur au moment d’obtenir un crédit. Comme pour toute reprise, la nouvelle direction dispose d’un historique de bilans avec ses résultats des exercices précédents. C’est l’occasion de réaliser un audit et d’évaluer la rentabilité de l’affaire à reprendre. Le ou la repreneur·se dispose également d’une clientèle, d’une notoriété, éventuellement d’un local bien situé. Tous ces éléments ont été obtenus par le travail intense du précédent franchisé qui a investi son argent, n’a pas compté ses heures, a essuyé les plâtres, recueilli des expériences précieuses, formé les salarié·es… Ces avantages ont un coût. La somme à débourser pour une reprise est plus élevée que celle d’une création. Le repreneur va, en contrepartie, espérer un démarrage rapide avec un niveau de CA (quasi)garanti.
Évaluer le potentiel et les risques
Si la reprise d’une affaire présente de nombreux avantages, elle comporte des difficultés spécifiques. Le repreneur doit faire en sorte de se montrer opérationnel dès le premier jour suivant la reprise, alors que son agence tourne à plein régime. Là où une création lui laisse le temps de se créer une expérience et de monter en compétence au fur et à mesure que la clientèle augmente, de réguler le rythme de son développement, une reprise suppose d’être immédiatement efficace. Quelle que soit son expérience dans le domaine, il ou elle doit se présenter d’emblée crédible tant auprès des clients que des salarié·es réembauché·es et qui, eux et elles, connaissent l’entreprise mieux que lui ou elle. Comme pour toute reprise, le franchisé doit évaluer un autre point crucial : sera-t-il capable de maintenir, voire d’augmenter le CA après la reprise, lorsque le cédant aura quitté le navire ? Une certitude, la clientèle est attachée à l’offre de produit ou de service et/ou au franchisé cédant. Dans ce dernier cas, la cession pourrait acter la fuite des clients vers la concurrence. Surtout si le ou la cédant·e fut charismatique, a concentré la fonction commerciale et bénéficie d’une aura importante auprès du personnel… ou qui dispose d’autres enseignes concurrentes à proximité ! Toutes ces données doivent s’évaluer d’emblée. Tout comme le repreneur doit également évaluer la fidélité de l’équipe en place. Dans le cas contraire, l’acquéreur paierait l’enseigne au prix fort pour endosser des recrutements équivalents à celui d’une ouverture.
Évaluer la solidité du franchiseur
Plus le réseau est ancien et dispose d’une bonne notoriété, plus le risque est faible. Pour autant, il n’est pas nul. Il est impératif de connaître le motif précis de la cession. Assurez-vous que le départ a pour cause des motifs personnels : un décès, un départ en retraite, un congé maladie, une volonté de changer de région ou de secteur d’activité… En matière de reprise, la règle doit être le doute. Il faut partir du principe qu’un entrepreneur n’a aucun intérêt à céder une affaire qui fonctionne bien. La logique veut que la cession soit motivée par un événement de vie plutôt que par des causes intrinsèques à l’entreprise. Derrière la cession se cache peut-être un motif lié à l’activité : des relations tendues entre franchisé et franchiseur, une pression trop forte du franchiseur, un contrat de franchise mal négocié, une concurrence accrue ou qui risque de s’accroître dans les prochains mois avec, en perspective, une perte future de CA, des contentieux potentiels avec les salarié·es ou tout simplement une mauvaise ambiance de travail. Attention !
Un contrat à trois
Le turnover important a conduit les franchiseurs à organiser la reprise. Si une cession classique implique deux parties, le cédant et le repreneur, une cession d’entreprise en franchise en implique trois. Le franchiseur est bel et bien partie prenante au contrat. Les contrats de franchise incluent habituellement une clause accordant au franchiseur un droit de préemption. Il s’agit d’un droit subsidiaire, c’est-à-dire que le franchiseur se substitue au bénéficiaire, en respectant l’ensemble des conditions indiquées dans le projet de cession, notamment le prix. Avant de vous lancer dans l’acquisition d’une enseigne, vous devez vous assurer que le franchisé a informé le franchiseur de son intention de vendre et que celui-ci n’a pas actionné son droit de préemption. Dans le cas contraire, le temps et l’argent engagés seront perdus. Généralement, le franchiseur aura tendance à reprendre l’enseigne dans deux cas de figure : dans le cadre d’une politique de développement en propre de son réseau sous le statut de la succursale ou pour éviter un dépôt de bilan qui ternirait l’image de marque du réseau. L’intervention du franchiseur ne s’arrête pas au droit de préempter. La clause d’intuitu personæ présente dans les contrats de franchise conditionne la reprise à l’accord du franchiseur sur la personne du repreneur. En règle générale, le contrat impose un nombre limite de refus pour éviter une situation de blocage : deux ou trois tout au plus.
Réaliser une juste estimation
Estimer le prix de cession est une affaire d’expert. Certains points seront particulièrement bien évalués. Pour estimer le potentiel de l’entreprise en franchise, l’attention du ou de la repreneur·se doit porter sur des éléments précis : identifier le potentiel de développement du fonds de commerce au regard de facteurs externes tels que l’évolution prévisible de la concurrence sur son marché de référence, le devenir de son produit ou de son service dans les habitudes du consommateur. Évaluer les facteurs internes : peut-on optimiser les process pour gagner du temps ? Identifier d’autres modes de communication ? Le repreneur doit évaluer sa capacité à améliorer l’existant.
Un marché fluide
Il est généralement plus simple de vendre son entreprise ou son fonds de commerce s’il s’agit d’une franchise. La notoriété du réseau, son savoir-faire, l’accompagnement qu’il propose sont autant de facteurs rassurants pour l’acquéreur·se. Les grands réseaux disposent généralement de listes de candidat·es à la reprise. Dans le cas où aucun candidat ne se présente ou bien dans celui où franchiseur et franchisés ne s’entendent pas sur la personne du repreneur, une dernière solution est possible. Le franchiseur attend la fin du contrat de franchise. Il retrouve alors sa liberté d’action pour céder son fonds de commerce sans enseigne.