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Un audit pour optimiser la reprise
Reprendre un emplacement d’une franchise présente de nombreux avantages : le magasin est implanté, la clientèle est là et l’acquéreur sait qu’il pourra bénéficier du soutien du réseau. C’est encore plus vrai aujourd’hui, où les réseaux veulent limiter au maximum les fermetures. Une analyse complète et bien menée placera le futur acquéreur en position de force.
Un ou une franchisé·e veut vendre son affaire. Plusieurs motivations : il veut évoluer dans sa carrière (ou prendre sa retraite), après un ou plusieurs cycles contractuels avec leur réseau – « il n’est pas rare que l’on investisse dans une franchise dans le but avoué d’en ressortir au bout d’un ou deux cycles contractuels pour réaliser une plus-value », souligne Pierre Fleury, directeur de PFmarketing. Ou alors, en difficulté, il doit vendre son affaire.
Vendre son fonds
Ces deux cas (très généraux) n’entraînent pas les mêmes processus. Dans celui d’un contrat arrivé à son terme, pour un emplacement globalement en bonne santé, le vendeur (ex-franchisé) va vouloir valoriser au mieux le fruit de son travail et fixer un prix de vente avantageux. Mais il vaut mieux pour lui ne pas faire cavalier seul et œuvrer en lien avec sa tête de réseau. Car s’il est libre de fixer son prix de vente, le réseau est beaucoup plus à même de trouver des candidats à la reprise – c’est même le mieux placé. Sans oublier que, désormais, la quasi-totalité des contrats de franchise comporte des clauses de préemption par lesquelles le franchiseur va s’interposer le cas échéant, en respectant le prix du vendeur. Autant, donc, s’assurer de sa collaboration et de son soutien. De plus, un avantage de la franchise est qu’elle est, en général, très transparente. De quoi jouer en sa faveur pour les reprises également. Le franchiseur aura une bonne vue sur les comptes de son futur ex-franchisé. C’est d’ailleurs l’un des aspects qui rend la franchise attirante : quand le magasin va bien, sa revente est très facile. Quand il est en difficulté, les choses sont également plus faciles que lorsque l’on est un indépendant, car la tête de réseau à tout intérêt à garder l’emplacement.
Bien étudier le dossier
« Il faut lancer un audit de ce que l’on veut acheter, pour avoir la vision la plus complète de l’entreprise : les comptes, l’activité, les résultats et chiffres d’affaires, les charges… Il faut demander un maximum d’éléments », insiste Cécile Peskine, avocate au sein du cabinet Link&a. L’affaire parfaite n’existe pas, d’où l’intérêt de bien auditer pour bien anticiper. Sans oublier que l’acquéreur se place alors en position de force pour négocier. « Pour mener un tel audit, il est indispensable de se faire accompagner par des experts, surtout si l’on débute dans l’entrepreneuriat. »
Dans le cas du rachat d’un franchisé par un autre franchisé, plusieurs questions spécifiques se posent. En tant qu’acquéreur, vais-je pouvoir garder l’enseigne ? Les contrats de franchise, maintenant, comportent presque tous des clauses d’agrément (les fameuses clauses intuitu personnae) qui donnent le droit à la tête de réseau de refuser un candidat au rachat. Et le plus souvent, ils comportent aussi des clauses de préemption. Autrement dit, mieux vaut collaborer avec l’enseigne lorsque l’on veut reprendre un emplacement… « Une fois ces préalables éclaircis, il faut aussi savoir si la reprise se fera avec un nouveau contrat ou avec le reliquat de l’ancien. Et, partant, quels seront les frais à engager comme la formation initiale, les droits de cession… », explique Cécile Peskine.
Stock, personnel, matériel…
Au-delà des questions contractuelles, il faut aussi examiner les « à-côtés » : par exemple, le personnel est protégé par le suivi d’activité et fait donc également partie des éléments à connaître. Et surtout, il faut faire attention au stock, surtout dans le retail où il peut vite être évalué à de grosses sommes de l’ordre de 200 000 à 300 000 euros. Or les banques ne financent pas le stock. Si reprendre une telle quantité est compliqué, il faut en profiter pour négocier une décote avec le vendeur ou voir si le franchiseur est disposé à aider, soit en apportant un financement, soit en reprenant une partie du stock, par exemple. La question du matériel revêt la même importance. Par exemple, une salle de sport compte souvent des machines en cours d’amortissement. De façon générale, « en ce moment, les réseaux sont prêts à faire des concessions, par exemple sur les droits d’entrée », constate notre avocate-conseil. Dernier point important à examiner : la situation du contrat de bail commercial. C’est d’autant plus important s’il est proche de la fin avec un déplafonnement prévu… Ou encore, les loyers ont-ils été renégociés à l’occasion de la crise sanitaire actuelle ?
Financer son acquisition
Du point de vue du repreneur, il va falloir, comme pour tout projet de ce type, obtenir les financements nécessaires, tâche d’autant plus compliquée que le ticket d’entrée pour une reprise est souvent plus élevé que pour une ouverture. « Pour une reprise, l’analyse que nous allons mener va différer un peu de celle d’une création, mais les fondamentaux restent, explique Gaëtan Garnier, Head of Business Development chez Les Entreprêteurs. Nous allons ainsi commencer par analyser le contexte, autrement dit, dans ce cas, le réseau : sa santé, son développement… puis le concept et son potentiel, et enfin l’entrepreneur lui-même. » Il faut, en pratique, regarder l’analyse de marché, le prévisionnel, contacter les sources extérieures (infogreffe, Banque de France…), réaliser un benchmark avec ce que l’on sait de l’enseigne… « Ces éléments nous servent de base pour, après notation de risque et réunion de notre comité de crédit, prendre notre décision, souligne Gaëtan Garnier. En ce moment, nous mettons à jour régulièrement ces analyses globales des réseaux, pour y intégrer les dernières évolutions pendant la pandémie : la réactivité, les adaptions réalisées, sa capacité de rebond… Ce n’est pas facile, mais nous avons déjà le recul de deux confinements. » L’objectif de cette analyse fine : essayer de trouver les éventuels « cadavres dans les placards » ! Éventuellement, il est possible d’essayer de négocier auprès de son organisme de prêt d’assortir le financement de garanties spécifiques pour parer à certaines inconnues – une sorte d’équivalent aux clauses de « vices cachés » pour l’immobilier.
Jean-Marie Benoist