Temps de lecture estimé : 8 minutes
Le cas des franchises de restauration
On ne compte plus le nombre de restaurants et de snacks devenus ultra-populaires à la suite d’un TikTok ou d’une « story » virale. Samy’s, la boulangerie « Chez Meunier », Kodawari Ramen tous ont fait salle comble après le passage d’un influenceur food dans leur échoppe. Alors forcément, ça donne des idées…
Et de plus en plus, l’influence food s’installe dans le monde de la franchise. L’objectif ? Rajeunir la cible visée, actionner de nouveaux leviers d’acquisition, et en filigrane, populariser sa marque en vue d’agrandir son réseau de franchise.
Aujourd’hui, ils sont nombreux les réseaux à être devenus (ou redevenus) « cools » grâce aux influenceurs. Père & Fish, Jojo’s Dough, Heiko Poke, Wing’s and Chill ou encore Pomme de Pain. Tous utilisent une stratégie d’influence pour se faire connaître et mieux toucher les générations les plus jeunes, qui sont souvent aussi les plus prescriptrices.
Le cas Heiko Poke : quand la stratégie d’influence est un outil au service du « faire-savoir »
Heiko Poke, c’est un petit réseau de franchise prometteur qui s’étend dans tout l’Ouest français. Son concept ? « Un aller sans retour en Polynésie » pour savourer des pokés « aussi healthy que gourmands ». En bref, un positionnement dans l’air du temps.
D’ailleurs, la marque est jeune et ça se sent. Dans la communication quotidienne, l’utilisation des réseaux semble très bien maîtrisée. C’est donc tout naturellement que Marie-Audrey Turellier, la directrice marketing et communication du groupe, s’est tournée vers l’influence food afin de faire davantage connaître sa marque grâce à une audience extérieure.
« Depuis les premières campagnes d’influence initiées il y a deux ans, le bilan est très positif », se félicite justement l’intéressée. Heiko fait appel à des influenceurs à des périodes stratégiques, « quand on lance un produit, lorsqu’on présente la nouvelle carte ou pour des opérations ponctuelles comme la Saint-Valentin », résume Marie-Audrey. L’influence food pour ce réseau de franchise est donc un véritable outil de communication au service du « faire-savoir ».
Et la stratégie se veut locale, car plus efficace. Heiko travaille en majorité avec des micro-influenceurs régionaux qui, par conséquent, ont moins de 100 000 abonnés. Ils sont cependant suivis de manière assidue autour des lieux d’implantation du réseau. Ce sont eux qui ont les meilleurs taux d’engagement et permettront de convertir une simple exposition digitale avec l’arrivée de clients dans les points de vente physique. Parmi les influenceurs qui travaillent régulièrement avec Heiko : @mademoisellemodeuse, @florettenacer ou encore @authentikmum. Marie-Audrey Turellier précise : « On fait en sorte que les influenceurs soient vraiment convaincus par notre produit. » Serait-ce la clé d’une stratégie d’influence réussie ?
Convertir ses vues en clients fidèles, le vrai grand défi ?
Être visible, c’est bien, mais ça ne suffit pas. C’est la fidélisation qui vaut vraiment le coup. Ne dit-on pas qu’un client fidèle coûte jusqu’à cinq fois moins cher que d’en conquérir un nouveau ? Alors la stratégie d’influence doit être suivie d’actions de fidélisation. Pour Heiko, Marie-Audrey Turellier semble pouvoir s’appuyer sur une atmosphère qui donne envie de revenir : « Lorsqu’un client entre pour la première fois dans un restaurant Heiko, il est impressionné par la décoration et le cadre qu’on lui propose. Une fois qu’il a fait le premier pas, c’est plus facile pour lui de revenir », observe-t-elle.
Et pour les autres réseaux qui sont entrés dans l’arène de l’influence food, c’est à peu près le même constat. « Je dirais que 70 % de notre clientèle vient des réseaux sociaux », indique Mamadou Niakaté, le cofondateur de Wings & Chill. Son enseigne a connu un succès aussi rapide qu’efficace. Le concept Wings & Chill a directement attiré les influenceurs parisiens qui ont testé très vite les recettes. Les premiers clients ont suivi et la qualité des plats servis a fait le reste.
« On m’a conseillé d’aller y manger et je ne suis pas déçu », « Mon fils avait vu une vidéo du Guide Ultime sur YouTube dans laquelle les deux potes testaient Wings & Chill, ça lui a donné envie, alors hop nous avons profité des vacances scolaires pour traverser Paris et aller tester à notre tour. Nous avons beaucoup aimé ! », peut-on lire en scrutant les avis sur l’enseigne.
Ici, on se rend compte à quel point les jeunes générations ont le pouvoir d’être véritablement prescriptrices. C’est alors elles qu’il faut tenter de fidéliser et surtout, c’est à elles qu’il faut parler. Ainsi, le tutoiement dans la communication des réseaux de franchise est de plus en plus utilisé. Heiko, Père & Fish, Nooï sont autant de marques qui ont fait ce choix éditorial. Et selon Marie-Audrey Turellier, c’est un « bon atout pour la fidélisation ».
DEPUIS LES PREMIÈRES
CAMPAGNES D’INFLUENCE INITIÉES IL Y A DEUX ANS, LE BILAN EST TRÈS POSITIF – MARIE-AUDREY
TURELLIER, HEIKO POKÉ
Les influenceurs : une communication qu’eux seuls peuvent se permettre
Côté influenceurs, ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils sont avant tout du côté des clients. C’est ce positionnement en tant que conseil et non en tant que vendeur qui donne véritablement du poids à leur parole. « Ce n’est pas forcément le métier des restaurateurs d’incarner leur histoire, nous faisons en sorte qu’ils nous la racontent », assuraient à ce propos les deux influenceurs Jess & Milan dans les colonnes de nos confrères de L’Express franchise.
Ainsi, l’influenceur n’a pas forcément le seul rôle de client. Il s’immisce aussi dans les coulisses, révèle quelques secrets de fabrication ou quelques anecdotes sur l’enseigne. Il peut aussi devenir la voix et le visage d’un story telling étudié par la marque. Le tout dans une vidéo à la frontière entre reportage et publicité – un publireportage en somme – mais que beaucoup d’utilisateurs finaux regarderont avec plus d’attention qu’une vidéo promotionnelle classique.
Autre fait intéressant : selon un sondage commandé par MGH, 36 % des utilisateurs TikTok ont commandé de la nourriture dans un restaurant après l’avoir vu sur l’application. En France, avec 14,8 millions d’utilisateurs sur la plateforme, le potentiel du marché est absolument gigantesque. Et même si l’offre et la demande en termes d’influence food se régule au gré d’un marché qui mûrit, certains réseaux peuvent encore faire de belles affaires avec un coût par clic moyen assez bas s’ils utilisent les bons influenceurs.
De plus en plus de réseaux confirmés s’y mettent
Résultat : les franchises conquises par l’influence food sont de plus en plus nombreuses. Et même celles qui n’avaient pas vocation à cibler les plus jeunes s’y mettent. C’est le cas de Flunch par exemple, qui a récemment travaillé avec Florian OnAir, l’un des créateurs de contenu les plus suivis en France (710 000 abonnés sur YouTube).
Dans plusieurs publireportages, l’animateur radio est parti à la découverte des recettes de Flunch et de leurs méthodes de sourcing des produits. Il a également participé à la cueillette des cerises pour l’enseigne. Ainsi, la chaîne de restaurants ouvre ses portes et livre ses secrets de production de manière ludique et attractive.
Comme Flunch, plusieurs réseaux confirmés ont décidé de s’aider d’influenceurs pour « relifter » leur image. C’est le cas de Pomme de Pain, qui fêtait ses 43 ans d’existence en 2023. Dans leurs travaux pour rendre l’enseigne plus jeune, l’équipe marketing a consacré une place de choix à la stratégie d’influence. Pour communiquer sur leur nouvelle carte en octobre dernier, l’entreprise s’est d’ailleurs entourée de neuf influenceurs (@gallymini_ @lolwla @vivonsfood @parisimmersif @eatwithflower @culturefoood @to.fourneau @breizhfoodguide et @tripleteatworld). Ils ont été conviés à un nouveau format de masterclass imaginé par l’enseigne. Présentation, réalisation et dégustation sont le triptyque de cette nouvelle manière d’utiliser les influenceurs. « Un canal de communication et d’échanges très prometteur », estime à ce propos l’Observatoire de la franchise.

Les agences d’influence ont un rôle à jouer
Alors qu’il apparaît clairement que cet écosystème d’influence food grandit, les agences d’influences ont aussi leur rôle à jouer. Celui d’intermédiaire, de médiateur mais surtout celui d’entremetteur. Ce sont elles qui peuvent être à l’origine d’une collaboration efficace et qui a du sens entre un restaurateur et un influenceur.
« Les franchisés représentent aujourd’hui environ 30 % de nos clients. C’est un chiffre qui a vocation à évoluer positivement », ambitionne Baptiste Cauchi, le community manager de l’agence d’influence Taste. Pour cette agence, la stratégie repose sur la spécialisation. « On cherche des influenceurs food spécialisés dans les donuts par exemple, pour en faire ensuite profiter les restaurateurs et les réseaux de franchise concernés », indique Baptiste. « On travaille aussi avec la quasi- totalité des influenceurs qui montent actuellement à Paris », ajoute-t-il. Cette double spécialisation – à la fois gastronomique et géographique – permet à Taste de proposer à ses clients des partenariats d’influence pertinents et adaptés à la cible visée.
En plus de cela, les agences ont aussi en tête les disparités de besoins entre les différents réseaux de franchise. Là où l’intervention d’un influenceur chez un franchiseur très neuf va plus se porter sur la pure recherche de visibilité et de nouveaux clients, chez un franchiseur confirmé, il aura un rôle bien différent. « Pour les gros réseaux de franchise, tout l’intérêt de faire appel à des influenceurs, c’est de communiquer à échelle locale », précise Baptiste Cauchi.
LES FRANCHISÉS REPRÉSENTENT AUJOURD’HUI
ENVIRON 30 % DE NOS CLIENTS. C’EST UN CHIFFRE
QUI A VOCATION À ÉVOLUER POSITIVEMENT –
BAPTISTE CAUCHI, AGENCE D’INFLUENCE TASTE
L’intérêt de l’influence pour recruter de nouveaux franchisés
Bien que ce ne soit pas l’élément majeur qui motive les réseaux de franchise à utiliser l’influence, il se peut que les retombées positives contribuent à l’arrivée de nouvelles candidatures de franchisés.
« Je constate, que de nombreux candidats à la franchise […] ne fonctionnent qu’au coup de coeur et en fonction du positionnement marketing qu’une enseigne peut avoir sur les réseaux sociaux tels que LinkedIn, TikTok ou Instagram », observait d’ailleurs Julien Perret, le fondateur de BCHEF.
Oui, les futurs franchisés ont souvent les mêmes canaux et les mêmes sources que les clients pour s’informer sur les réseaux qu’ils voudraient rejoindre. Il existe évidemment des annuaires spécialisés en franchise, mais pour avoir une véritable idée de ce à quoi ressemble un réseau de franchise, il est important d’analyser sa présence digitale, et notamment ce qu’en disent les influenceurs.
Attention toutefois à ne pas se bercer d’illusions avertit Julien Perret : « Il ne faut pas confondre la communication destinée à attirer le consommateur avec celle des fondamentaux d’un concept de restauration, aujourd’hui. Et dans cet exercice, beaucoup de candidats se font berner par ce leurre en ne vérifiant pas les chiffres de rentabilité annoncés, qui bien souvent, datent de l’ère pré-covid ! ».
L’influence a plus que jamais sa place dans la communication des franchiseurs, tant qu’elle reste contrôlée, sincère et ponctuelle. Empiler les influenceurs qui ne connaissent pas votre concept et ne sauront pas le conseiller n’est ni une bonne solution pour acquérir de nouveaux clients, ni un bon moyen d’agrandir votre réseau. La stratégie se doit alors d’être
bien réfléchie, soignée et objectivée. Un véritable casse-tête pour les responsables de développement et les équipes marketing. Mais le jeu en vaut sans doute la chandelle.
TANGUY PATOUX