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Par Jean-Baptiste Rudelle, créateur de Criteo, pour The Galion Project.

The Galion Project, think-tank des entrepreneurs de la tech, publie des articles éclairants, précis et pointus sur la réalité nouvelle des start-up. Alors quand ledit papier est rédigé par Jean-Baptiste Rudelle, le cocréateur de Criteo, entreprise française de reciblage publicitaire (afficher des messages publicitaires sous forme de bannières sur des sites Web après qu’un internaute a fait preuve d’un intérêt particulier pour un produit sur un autre site), cotée au Nasdaq depuis octobre 2013, on le relaie…

Cette enquête a été réalisée du 3 au 5 juin 2020 auprès de 100 membres du Galion Project.

On a voulu en savoir plus sur la stratégie de déconfinement des « Galions ». Se traduit-elle par un attentisme prudent ou au contraire par un retour à la vie d’avant, voire, pourquoi pas, par un plongeon dans une nouvelle forme d’organisation pour l’avenir ?

Des bureaux majoritairement ouverts…

Malgré les injonctions gouvernementales, continuer en pur télétravail n’est une solution retenue que par un quart des sondés. De manière intéressante, cette minorité qui ne veut faire prendre aucun risque à ses employés en les maintenant en télétravail strict n’est pas déterminée par la taille de la start-up. Cette décision semble relever essentiellement de l’appréciation personnelle du chef d’entreprise sur la sortie de crise.

En revanche, concernant les 75 % qui ont opté pour une dose plus ou moins importante de retour au bureau, les stratégies choisies sont fortement influencées par le nombre d’employés. Comme on peut s’y attendre, les start-up de taille plus importante se sentent davantage contraintes par la lourde réglementation post-covid élaborée par le ministère du Travail, et doivent limiter le retour au bureau en conséquence.

… pour une minorité de salariés !

Ainsi, pour les 40 % de start-up qui ont choisi un retour au bureau très partiel (moins de 30 % des effectifs), il s’agit avant tout de jeunes pousses de plus de 50 employés.

À l’autre bout du spectre, les 15 % de start-up qui ont fait le choix d’un retour quasi normal au bureau (80 % ou plus d’employés présents) sont, pour la plupart, des entreprises de moins de 25 salariés.

Parmi les start-up Galion qui ont choisi un retour au bureau, l’attitude qui domine à 70 % est pourtant de continuer à encourager fortement le télétravail, le retour au bureau n’est proposé qu’aux employés qui ont des difficultés à rester chez eux. C’est notamment la politique de la plupart des start-up matures.

 

Pour les petites start-up, l’attitude est plutôt l’inverse : le retour au bureau est majoritairement présenté comme la norme à suivre, mais en laissant la plupart du temps la possibilité à ceux qui le souhaitent de rester chez eux. Il est symptomatique que, même pour les start-up qui aspirent à retrouver une vie collective quasi normale, aucune n’impose la présence obligatoire au bureau à ses salariés. On reviendra sur ce point clé.

 Un retour au bureau très contraignant

Concernant les « mesures barrières » prises pour minimiser les risques au bureau, la plus utilisée est la condamnation de certains postes de travail, afin de respecter le fameux 4 m2 par personne, prescrit par le ministère du Travail. Viennent ensuite la restriction de la capacité des ascenseurs et le port du masque lors des déplacements dans le bureau, qui concernent plus de la moitié des entreprises. Un quart d’entre elles fournissent d’ailleurs des masques à volonté à leurs salariés. La limitation du nombre de personnes en réunion est aussi une mesure prisée (on peut facilement imaginer les gains de productivité associés !). En revanche, d’autres mesures préconisées par certains experts sanitaires jusqu’au-boutistes sont très peu appliquées : plexiglas de séparation entre les postes de travail, condamnation de certaines salles de réunion, restriction d’accès sur les espaces de convivialité, voire suppression de la climatisation (l’été arrive !). Autrement dit, si on retourne au bureau, on veut bien accepter certaines précautions élémentaires, mais pas vivre dans une ambiance ultra-contraignante.

La vie à l’extérieur du bureau reprend majoritairement

Les rendez-vous et réunions extérieurs sont autorisés par les trois quarts des Galions interrogés. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les sociétés qui sont restées à 100 % en télétravail sont presque aussi flexibles sur ce point, puisqu’aux deux tiers elles autorisent ces rendez-vous à l’extérieur du bureau. On constate une tendance similaire sur les voyages nationaux, autorisés par les deux tiers des sondés. Quant aux voyages européens, malgré les frontières qui restent fermées avec certains pays, ils sont déjà autorisés par un tiers des start-up. Voilà qui peut redonner une lueur d’espoir au transport aérien.

Le point sans doute le plus frappant de cette étude est la diversité des sensibilités des salariés au sein d’une même start-up concernant le risque covid résiduel, et plus généralement l’appétence de retourner au bureau. Il y a bien sûr ceux.celles qui ne supportent plus de rester chez eux.elles et veulent retrouver au plus vite une vie sociale au bureau. Ainsi, parmi les start-up qui ont fait le choix de rester pour l’instant à 100 % en télétravail, 40 % des dirigeants déclarent qu’ils éprouvent des difficultés à convaincre certain.es de leurs employé.es de rester chez eux.elles.

A contrario, il y a aussi les salariés qui veulent que le télétravail dure le plus longtemps possible, voire devienne la nouvelle norme. Parmi les start-up qui ont fait le choix d’un retour à une vie de bureau la plus normale possible, un quart des sondés reconnaissent qu’ils ont des difficultés à convaincre certain.es de leurs employé.es de revenir au bureau. Devant tant de situations et de sensibilités différentes à gérer, il n’est pas surprenant que les deux tiers des start-up Galion interrogées aient fait le choix de ne pas choisir, ou plutôt de laisser chaque employé décider entre retour au bureau ou télétravail. Il y a encore quelques mois, ce bureau « à la carte » où chacun peut venir quand il l’entend, aurait été totalement inimaginable pour la plupart des start-up.

80 % des sondés prévoient une réouverture totale d’ici à septembre

Maintenant que les employés ont goûté à cette nouvelle liberté, il va falloir gérer la délicate transition vers une nouvelle normalité. Qui devrait arriver assez vite. Et pour cause, presque la moitié des sondés prévoient une ouverture totale de leurs bureaux d’ici au mois de juillet et plus de 80 % en septembre. À l’opposé, les start-up qui ont fait le choix de suivre l’exemple des GAFA en repoussant la réouverture totale pour début 2021 sont ultraminoritaires. Pour une fois, voilà un domaine où les Européens semblent faire preuve de plus de pragmatisme que les Américains.

Et qu’en est-il du « monde d’après » ? Tout le monde s’accorde pour dire que cette expérience sanitaire inédite va banaliser le télétravail sur la durée, notamment dans les start-up qui ne s’y étaient pas encore mises. Un rythme de 3 jours au bureau et deux jours chez soi par semaine devient très tendance. En revanche, seule une très petite minorité envisagent de profiter de ce choc pour adopter le « full remote » comme un mode d’organisation pérenne. La plupart reconnaissent que l’expérience du confinement a certes montré qu’on pouvait garder une très bonne productivité en télétravail, mais qu’à la longue, l’absence totale de réunions en présentiel nuisait à la dynamique de groupe et à la cohésion des équipes. Car au final, la rencontre physique, le partage d’un moment entre collaborateurs restent indispensables à la créativité, la recherche collective de solutions et une culture d’entreprise vivante et incarnée. C’est la limite – infranchissable et plutôt rassurante – du modèle de l’entreprise distribuée. Jean-Baptiste Rudelle pour The Galion project.

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