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Créer un réseau revient à apprendre un nouveau métier. De nombreux cabinets de conseil et agences accompagnent le candidat à la création. Mieux, ils co-créent pratiquement le futur réseau. Autant dire que la relation se doit de se montrer exceptionnelle et le choix réalisé en toute connaissance de cause, à telle enseigne qu’il vaut mieux parler de copilotage intelligent. Il existe même de plus en plus de coachs individuels, souvent d’anciens franchisés dont l’expérience est vitale pour de petits patrons en quête d’expansion. Choix intuitu personae indispensables.
Chef d’entreprise ou pas, patron d’un concept à succès ou non, on ne s’improvise pas franchiseur. « La plupart des chefs d’entreprise qui optent pour ce type de commerce organisé ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’un autre métier », regrette Michel Kahn, à la tête d’un très grand cabinet conseil, créé en 1975, Michel Kahn Consultants, ouvert à toutes les formes du commerce organisé et dont 80 % de la clientèle se compose de têtes de réseaux ou de futurs franchiseurs. Avec 1 900 enseignes de commerce organisé en France, l’on décompte 118 000 entreprises affiliées, soit 1,3 million d’emplois et 201 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Un marché colossal qui exige l’accompagnement d’experts, de spécialistes, de juristes, de financiers, la mise en place d’une stratégie pointue et pour le candidat franchiseur la maîtrise d’au moins cinq métiers pointus – lire p.xx le détail qu’en donne Charles Seroude qui fut en son temps l’introducteur du concept de la franchise en France. Bref, on ne s’improvise pas tête de réseau.
Or d’où viennent les candidats franchiseurs ? « Il n’existe pas vraiment de profil-type du futur franchiseur, estime Jean-Paul Zeitline, fondateur de Progressium, à la tête de 14 consultants, l’un des cabinets dont le candidat franchiseur doit prévoir d’emblée les honoraires. Mais, récemment, le profil le plus répandu a changé : maintenant, les plus nombreux sont de jeunes entrepreneurs qui ont créé un concept depuis peu d’années – deux ou trois – et qui choisissent l’une des formes de la franchise soudain conscients des difficultés de se développer en propre. » Gérer deux ou trois points de vente en direct devient vite complexe et épuisant, coûte cher et se révèle chronophage. La franchise va certes régler la gestion du personnel, le rythme de développement et procurer le financement par le jeu du droit forfaitaire d’entrée, mais c’est à une autre montagne que doit s’attaquer le franchiseur. Il doit nécessairement élire le cabinet adapté qui correspondra le mieux à la stratégie de développement qu’il veut mettre en place. Les spécialistes des franchises commerciales dont les enseignes nationales fleurissent dans tous les centres-villes, les rues piétonnes, les hypercentres, les grandes surfaces ne sont pas forcément ceux qui conseilleront et guideront des franchiseurs de services, d’artisanat ou d’industrie.
Un cabinet conseil tout entier impliqué dans la réussite
Ce métier à part entière, plutôt cet éventail de métiers que l’impulseur de réseau doit d’emblée maîtriser n’a la plupart du temps rien à voir avec le métier premier de l’entreprise. Les défis à relever sont nombreux : comment modéliser son concept, comment équilibrer son réseau, mettre en place le recrutement des franchisés, animer ces investisseurs parfois partenaires, les assister, maîtriser les aspects juridiques (document d’information précontractuel, contrat final, clauses particulières…). À quoi s’ajoutent les pilotes, les études de marché, le géomarketing, la communication – particulièrement importante dans un réseau… « Nombreuses sont les étapes vitales pour l’avenir du réseau à accomplir, donc il est essentiel de prendre son temps pour tout mettre en place », insiste Jean-Paul Zeitline dans son rôle d’accompagnateur. L’écosystème des réseaux est aussi totalement nouveau pour le futur franchiseur. À chaque étape du processus, il rencontre de nouveaux acteurs et de nouvelles spécificités – par exemple, l’existence d’avocats spécialisés dans la franchise étonne souvent. Et enfin, les préoccupations ne sont pas les mêmes. Par exemple, parmi les éléments essentiels à retenir, le franchisé doit gagner de l’argent. « Il faut que le réseau représente, pour lui, une vraie bonne affaire, souligne Jean-Paul Zeitline. Il faut penser à ses futurs franchisés. »
On l’a compris, l’accompagnement est plus que jamais indispensable. Mais vers quel cabinet se tourner ? La vieille expression, l’embarras du choix, devient cette fois un vrai casse-tête. Face à l’apprenti franchiseur se bousculent partout en France une armada de cabinets de conseil en franchise. Une offre pléthorique que justifie l’impressionnant développement du commerce organisé, seule stratégie d’implantation rapide d’un réseau, unique moyen d’autofinancer son propre développement et de créer une capitalisation publicitaire autour de sa marque par les investissements des franchisés dans leur communication. Impossible de les citer tous, c’est un annuaire hexagonal copieux dans lequel plonger, souvent à l’aveuglette, en quête du prestataire vital sur lequel tout repose ou presque. Certes, des noms émergent, souvent cités au gré de nos enquêtes, parmi les conseils de rang national. À commencer par Michel Kahn Consultants, déjà mentionné, dont la chronique accompagne chacun de nos numéros, de plus fondateur et président de « l’autre » fédération, l’Iref (Fédération des réseaux européens de partenariat et de franchise). Ses concurrents majeurs se nomment Axes Réseaux, Franchise Management, RBC Conseil, Adventi Franchise, Progressium, Franchise Board, Framboise, Franchise et Développement, Soregor, Gagner en Franchise… Mais il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg, puisque pour chaque expert national existe au bas mot une dizaine de structures locales. Un avantage bien compris pour leur client franchiseur tient à leurs compétences multiples. Souvent créés par un ancien franchiseur, ces couteaux suisses du conseil jouent de leur « force de pack » : avocats, experts-comptables, finance, communication, recrutement, animation, chacun des métiers indispensables à la réussite du réseau figure dans l’offre globale de conseil que va payer leur client. Mais plutôt qu’une prestation, c’est un investissement que va financer la future tête de réseau. « Créer un réseau leader est un travail au long court, souligne Sylvain Bartholomeu, associé chez Franchise Management. Il s’agit de se montrer le plus efficient et le meilleur possible. » Parle-t-il de son client ou de son propre cabinet ? Assurément les deux. Sitôt le contrat scellé, chacun des deux partenaires va devoir tout faire pour gagner ensemble. Certains franchiseurs parlent de « coach » pour désigner leur fer de lance. Gare aux échecs.
Les cabinets conseils nationaux et internationaux ne sont que la pointe de l’iceberg puisque pour chaque expert national existe au bas mot une dizaine de structures locales.
6 à 8 mois d’accompagnement, au moins
Il s’agit bien de coaching. L’expertise technique doit, certes, être au rendez-vous : le savoir-faire, la capacité de gestion… « Mais ce qui fait la différence, ce qui est le plus important, c’est le mental, explique Sylvain Bartholomeu. Le contrat aura beau se montrer parfait, le concept excellent, encore faut-il que le franchiseur puisse tenir la barre. Il faut du savoir-être. » D’emblée, les banquiers vont regarder le dirigeant et le réseau va adhérer au projet à travers son leader. Or les cabinets conseils ne forment pas un franchiseur : ils le font devenir franchiseur, en adoptent la mentalité. Créer un réseau, exige le concept déjà gagnant créé par un entrepreneur accompli. Réussir la transformation dudit concept en franchise dépasse la question de compétence. « Progressium propose un accompagnement pour devenir franchiseur, explique Jean-Paul Zeitline. Il ne s’agit pas techniquement d’une formation, même si une partie du travail consiste à apprendre les clés de son futur métier. Pendant 6 à 8 mois, la mission consiste à fournir une aide à la création d’un réseau, de l’accompagnement, du coaching… » La durée de la mission est variable, selon la complexité du projet et l’état de préparation du futur franchiseur. Pour certains, elle va même se transformer en relation au long cours. Il arrive parfois que l’accompagnement vers la franchise se réduise à une seule personne, promue coach à tout faire, par exemple aux côtés d’un boulanger de talent dont le concept mérite peut-être réseau. Mais quelle que soit la taille de l’accompagnant, le courant devra passer.
Jean-Marie Benoist