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En se montrant là où Philippe pourrait aller, Macron offre l’image d’un exécutif sans rupture. N’est-ce pas aussi bien ?
À force de multiplier les apparitions télévisuelles, Emmanuel Macron se banalise presque, comme un quelconque ministre ou Premier ministre. Le revoici décontracté, à 13 heures 15, le 5 mai, adossé à une table de classe élémentaire face à deux consœurs journalistes attentives à lui couper la parole… de temps en temps. Car nous avons un président disert, à l’aise devant un micro, une caméra, un public. Depuis les apparitions compassées d’un Pompidou ou d’un Mitterrand, il n’y a guère qu’un Nicolas Sarkozy, mais en beaucoup plus « théâtral », pour se mesurer au président de la République en termes de médias.
Parler de la réouverture des écoles dans une classe (Poissy), à l’heure où le déconfinement se dramatise à l’idée du retour des loupiots à partir du 12 mai, quoi de plus naturel, indiqué ? Édouard Philippe à la manœuvre aurait tout aussi bien pu s’offrir ce bain d’élèves, un Blanquer tout autant. D’autant que le jeune président, époux d’une enseignante, se sera montré clair, souple, « apaisant », dira en plateau Nathalie Saint-Cricq sur France 2, « il arrondit les angles ». Mais les angles demeurent : cette rentrée très partielle qui inquiète maires, préfets, enseignants/es et parents (mais pas les bambins, ravis de l’aubaine) est-elle motivée par la nécessité de voir lesdits parents se remettre au travail, débarrassés de leur progéniture ? En aucune façon, élude l’énarque, qui se préoccupe, dit-il, et pourquoi ne pas le croire, de ces deux mois traumatisants pendant lesquels des milliers de jeunes « décrocheurs » ont fui toute forme d’enseignement. À l’heure du télétravail encouragé et de cet appel aux employeurs invités à « la compréhension pour les parents empêchés », on ne voit effectivement pas le calcul machiavélique d’un président arc-bouté sur le retour des salarié/es dans les entreprises, d’autant que perdure le mécanisme du chômage partiel, « le plus généreux au monde », dixit.
Ce président doit exister dans la crise sanitaire comme Sarkozy le fut dans la crise financière. Et sans écraser un Premier ministre qui ne l’est apparemment que sous la plume des amateurs de drame. Car décidément, le binôme actuel président-Premier ministre a bien du mal à justifier la posture méprisante du « je décide-il exécute » chère aux Giscard, Chirac et même Sarkozy de l’ancien temps. Il n’existe plus vraiment de distance entre les deux fonctions, entre les deux palais. Le « plan » Philippe est le plan Macron, qu’on le critique ou pas. Ce binôme-là ne fonctionne pas si mal. Et rien n’indique que pour les deux années cruciales à venir d’un quinquennat fracassé, les deux hommes ne soient pas le meilleur tandem d’une Ve République dégaullisée.
Olivier Magnan, rédacteur en chef