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Les premiers rejets du confinement comme unique méthode de sauvetage commencent à poindre, à tort ou à raison. Il est probable que l’édition tient là ses futurs best-sellers.
Après un temps de flottement, le 17 mars, à midi, les Français/es, incrédules mais discipliné/es, sont tous resté/es chez eux, à quelques « étourdi/es » près. Et voilà un mois et cinq jours que tout un peuple a déserté les rues, les plages, les montagnes, les routes, les champs, les écoles pour donner à chaque JT son lot d’images aériennes, dronatiques : villes « mortes », villages « déserts ». Chez les Françaises et les Français, le confinement fait globalement consensus, constate Le Monde le 7 avril : 88 % de personnes estiment « qu’il s’agit du seul moyen efficace pour lutter contre l’épidémie » (deux études Ifop à l’appui). Ce peuple si « responsable », se sont rassurés à la fois le président et le Premier ministre, tend même à la résignation : « Pour 93 % des personnes interrogées, dit l’une des enquêtes, le confinement “devra durer encore plusieurs semaines pour être efficace”, 80 % pensent aussi qu’il “devra être durci pour être efficace”. Enfin, la grande majorité des personnes interrogées s’attend à ce que l’épidémie dure encore de trois à cinq mois. »
Des années durant, dans la décennie à venir, des livres, études, pamphlets, articles passeront au crible ce phénomène planétaire des peuples sagement confinés, déconfinés, reconfinés, peut-être. Et se lèvera à coup sûr le « doute ». Les confinements étaient-ils la meilleure parade ? Avec sa kyrielle de questions : pourquoi le Vietnam n’a-t-il pas souffert du coronavirus ? pourquoi Taïwan l’a-t-il jugulé ? Pourquoi la Suède, la Suisse, l’Autriche sont-elles « passées à travers » ? Déjà s’élèvent des voix qui, mathématiquement (le comptage du Dr Bizouarn) ou polémiquement (la tribune libre de Johan Walter), instillent ce doute. Deux réalités ouvriront les procès à venir des démocraties trop confiantes ou imprévoyantes : celui des « défaillances » reconnues par Édouard Philippe (masques, matériels, lits…) et celui des catastrophes économiques induites par les premières. Car le confinement n’échappera pas à sa remise en cause : il n’a été décrété qu’en fonction des moyens (non) disponibles et par la non-prise en compte des signaux d’alerte qui, quoique faibles, auraient dû attirer l’attention des gouvernements à travers leurs instances sanitaires, de l’OMS aux Directions de la Santé nationales. Un président (et la cohorte des précédents) n’est pas forcément clairvoyant ni devin, mais il est entouré par des experts dont le métier est justement de deviner pour anticiper. Et s’ils/elles en sont incapables ou n’osent pas déranger la quiétude du présent, c’est à lui, président, de leur demander de le déranger, de le « pré-venir ». Des États-Unis à la Chine en passant par la Russie ou l’Europe, à quoi servent nos prévisionnistes si on ne les écoute pas ou s’ils ne parviennent pas à se faire entendre…
En attendant, c’est le cas de l’écrire, un peuple résigné et patient a déjà montré qu’il savait perdre toute retenue quand il prend conscience d’avoir épuisé des efforts évitables. Nous dansons sur un volcan, avait dit le parfait inconnu Narcisse-Achille de Salvandy, homme politique, à la veille de la Révolution de Juillet. L’insignifiant virus fait danser les démocraties imprévoyantes.
Olivier Magnan, rédacteur en chef