Le cadre du dialogue social en franchise

L'indépendance est un principe fort rappelé régulièrement par les juges
L'indépendance est un principe fort rappelé régulièrement par les juges

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Franchise et salariat : des différences de nature et pas seulement de degré !

Quelles sont les différences essentielles entre le salariat et le franchisage ? Du point de vue des enseignes et des franchisés ? Réponses avec Maître Rémi de Balmann, avocat associé-gérant du cabinet D, M & D et coordinateur du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise.

Le Code de déontologie européen de la franchise définit la franchise comme « un système de commercialisation de produits et/ou de services (…), basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, (…) dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur ».

Du côté des futurs franchiseurs et dès lors qu’ils peuvent justifier d’une expérimentation réussie, le recours à la franchise constitue un puissant outil de maillage du territoire et un effet de levier, par le recours, non pas à des équipes salariées à la tête desquelles, point de vente par point de vente, serait placé un responsable mais à des commerçants indépendants, eux-mêmes propriétaires de leurs fonds de commerce et patron vis-à-vis de leur personnel. Du côté des candidats franchisés, les avantages ne sont pas moindres puisque beaucoup aspirent à quitter le statut de salarié pour vivre une nouvelle aventure professionnelle et endosser les habits de l’entrepreneur, sans pour autant « partir de zéro ».

Rappel de la relation contractuelle et abrogation de l’instance de dialogue

C’est là que la rencontre s’opère entre deux projets parallèles et complémentaires et ce n’est pas pour rien que la fameuse loi Doubin a évoqué la notion de « contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties » (article L. 330-3 du Code de commerce).

« Or et pour que la magie de la franchise continue de s’opérer tout au long des relations contractuelles, il faut notamment toujours avoir à l’esprit que la formule obéit à des règles fondamentalement distinctes de celles du droit du travail.

Et ce n’est pas rendre service à la franchise que d’aspirer – comme le voudraient les syndicats ou, du moins, l’un d’entre eux – à ce que « les réseaux d’indépendants aient une acception sociale via le Code du travail et pas que commercial avec le Code de commerce » (O. Guivarch, secrétaire général de la fédération services C.F.D.T., in LSA, 14/06/2016) », note Me De Balmann.

Fasse à cet égard que le Conseil Constitutionnel valide la loi de ratification des ordonnances travail en ce qu’elle a notamment abrogé, à la faveur d’un amendement sénatorial, l’instance de dialogue instituée par la loi El Khomri et qui devait réunir, sous la présidence du franchiseur, des représentants des salariés élus et un représentant des franchisés pour évoquer les « décisions du franchiseur de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés »

« Les franchiseurs ne sont pas les co-employeurs des salariés des franchisés. Et les franchisés doivent, eux-mêmes, conserver une marge de liberté pour pouvoir assumer leur rôle de chef d’entreprise. Tout l’enjeu pour les franchiseurs étant de permettre la réitération du concept et le respect des normes sans faire dégénérer la relation en une relation salariée.», ajoute Rémi de Balmann. Attention donc à éviter toute ingérence et toute subordination juridique, sauf pour le franchiseur à prendre le risque de dénaturer la relation contractuelle.

« Quant au franchisé et selon l’heureuse formule du Professeur Le Tourneau, spécialiste du droit de la franchise : « (Le franchisé) jouit d’une bonne marge de liberté (et) il en subit les conséquences. Les franchisés doivent garder à l’esprit que l’assistance technique du franchiseur ne constitue en aucune façon une quelconque assurance tous risques » (Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, p. 139/140).

Point de salaire minimum, ni d’appointement garanti à la fin du mois mais des résultats qui dépendront de la plus ou moins grande implication du franchisé dans son activité, les juges rappelant à intervalles réguliers ce principe d’indépendance », tranche Rémi de Balmann, et notamment encore dans un arrêt du 20 janvier 2016 de la Cour d’Appel de Paris ayant souligné que « le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise ; que les manquements du franchiseur ne se déduisent pas du seul fait de l’existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés ; qu’en effet, l’exploitation d’un fonds est soumis à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence (C.A. Paris, 20/01/16, n° 13-10459).

Mise au clair sur les clauses de non-concurrence post-contractuelles

Il est tout à fait normal par ailleurs que les franchiseurs ne vivent pas avec la crainte qu’ils devraient un jour rémunérer les clauses de non-concurrence post-contractuelles. Là aussi, la confusion entre droit commercial et droit du travail n’est pas de mise.

Commentant l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation de juillet 2002 qui allait subordonner, en matière de contrat de travail, la validité d’une clause de non-concurrence post-contractuelle à l’exigence d’une contrepartie financière et soulignant à cette occasion une « porosité » qui ne serait « peut-être que la manifestation d’un phénomène plus profond qui tient à la proximité structurelle du contrat de travail et du contrat de franchise », le Professeur Jamin s’interrogeait sur « l’opportunité d’étendre le champ d’application de la jurisprudence novatrice de la chambre sociale » (D. 2003, p. 2878).

« Avec raison cependant la chambre commerciale de la Cour de Cassation s’est refusée à une telle extension », estime l’expert du droit et de la franchise.

Ainsi et par un arrêt en date du 31 janvier 2012, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a réaffirmé – s’agissant d’une clause de non affiliation post-contractuelle à un réseau concurrent – que, «  dès lors qu’elle est limitée dans le temps et l’espace, et qu’elle est en outre justifiée et proportionnée aux intérêts du créancier de l’obligation, une clause de non-réaffiliation, qui n’a pas à être rémunérée, est licite » (Cass. com, 31/01/12, pourvoi n° 11-11071). »

Et par un arrêt du 23 octobre 2012 (Cass. com, 23/10/12, pourvoi n° 11-21978) et statuant cette fois sur une clause de non-concurrence post-contractuelle, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a refermé la porte de l’indemnisation du franchisé qu’elle semblait – selon certains – avoir été ouverte en 2007 (Cass. com, 09/10/07, pourvoi n° 05-14118).

S’agissant des contrats de travail, il doit en effet être tenu compte des spécificités de l’emploi du salarié et l’appréciation de la validité d’une clause de non concurrence se fait au cas par cas, en fonction de l’emploi qu’occupait le salarié et de son positionnement stratégique ou non dans l’entreprise.

En revanche et « s’agissant des contrats de franchise, il ne saurait être tenu compte du profil de tel ou tel franchisé. Le but d’une interdiction de non concurrence est en effet ici la protection du savoir-faire. Or, le savoir-faire est au cœur de la relation de franchise et il est légitime que le franchiseur veille à le protéger envers et contre tous. Et il serait pour le coup totalement illégitime que le franchiseur doive payer pour protéger son savoir-faire ! », conclut Me de Balmann.

Geoffroy Framery

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