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À la veille du salon qui va drainer – même masquée – une foule de franchiseurs et de franchisables, le constat, tout au long de ce numéro de rentrée, est frappant : oui, la franchise reste un concept porteur. Oui, il surfe sur la crise sanitaire. Petit panorama sur ce phénomène.
Se lancer sous l’égide du commerce intégré, ou associé, est devenu le nouvel Eldorado pour les cadres en reconversion, le meilleur bouclier face à la crise en termes de business model, de soutien et d’accompagnement, le mode d’entrepreneuriat qui lissent les risques et réduit les angoisses par rapport à l’aventure de l’affaire en solo. Le secret se nomme bien sûr réseau : la réactivité de toute une structure en cas de coup dur…
En 2008, les atouts du modèle s’étaient révélés au pied de la crise, financière cette fois. En octobre 2010, pour le compte de la Fédération française de la franchise, le laboratoire de recherche de l’Université de la Méditerranée avait publié un rapport intitulé Capacité de réactivité des réseaux de franchise en contexte de crise. Nous l’avions amplement commenté à l’époque. Les conclusions de ces travaux avaient mis en exergue les facteurs qui donnaient les moyens aux réseaux de mieux réagir dans un contexte tendu : « L’appartenance à un réseau de franchise protégerait le commerçant des effets les plus brutaux de la crise. »
Pourtant, la franchise plébiscitée pour sa robustesse a également dû s’adapter pour préserver son modèle et ses adhérents. C’est dans ce but que la FFF s’est montrée tout particulièrement active pour accompagner ses membres sur les questions réglementaires et sanitaires, aider les entrepreneurs à passer ce cap en minimisant les dommages. Aujourd’hui, près de 93,7 % des entreprises adhérentes ont repris leur activité. Quid de l’avenir ? Sans boule de cristal, en voici malgré tout les principales tendances.
Le marché post-confinement va se structurer
En 2020, la donne a manifestement changé. Et tous les réseaux ne sortent pas pour l’instant indemnes de la situation inédite que nous vivons aujourd’hui. En atteste par exemple la mise en redressement judiciaire au mois de juillet du réseau Courtepaille qui représente 4 000 emplois dont 1 000 pour le réseau en franchises comme conséquence directe du confinement et de la crise sanitaire. L’enseigne de restaurants familiaux née en 1961 a vu dégringoler son CA de 40 % en 2020 par rapport à son exercice 2019, estimé à 190 millions d’euros. À ce jour, quatre candidats aux reins solides, le Groupe Bertrand, Buffalo Grill, Butler Capital et Naxicap se sont positionnés sur la reprise de 187 restaurants dont 91 sont exploités en franchise.
Plus qu’une question de secteurs ou d’activité, les réseaux qui ont accéléré leur transformation numérique – voire leur transformation tout court – durant le confinement ont mieux résisté. Puisque le déplacement physique ne fut plus possible deux mois d’affilée, les commerces de proximité ont dû réinventer leur parcours client en le numérisant. La transformation des restaurants en « labos » et zones de livraison a participé à l’essor exponentiel de la livraison à domicile. Laquelle s’est diversifiée : elle ne concerne plus seulement la restauration. La GMS s’est engouffrée dans la brèche. En France, la progression enregistrée des distributeurs généralistes est de 45 % sur le premier trimestre 2020 (contre 24 % sur toute l’année 2019). Les Just Eat, UberEats, Epicery, La Belle-Vie ou Frichti annoncent tous des croissances soutenues. De nombreux réseaux de franchise ont ainsi pu limiter la casse et trouver de nouveaux relais de croissance. Cet essor de la livraison à domicile et du « take away », confinement oblige, s’explique également par l’arrivée d’une nouvelle clientèle plus senior et plus variée en termes de choix alimentaires. Il n’est plus seulement question de se commander un burger, une pizza, des sushis, le choix du « poke », de plats de poissons, de nourriture italienne plus élaborée se fait sentir chez une population qui dépasse les 50 ans. Qui eût pu imaginer commander il y a encore un an des pâtes à la truffe servies dans un packaging soigné ? D’autres tendances de consommation se sont également accélérées : en témoignent les circuits courts, l’alimentation « healthy », le « fast good ».
Une adaptation des réseaux pour penser le monde d’après ?
Le discours des marques a profondément changé durant la situation de confinement. Dans ce contexte de « new normal », les marques doivent s’adapter aux nouvelles exigences des consommateurs. Le contexte de confinement a poussé à certaines prises de conscience : la surconsommation, la limite des technologies numériques face à l’isolement, le besoin de se recentrer sur des priorités environnementales ou sur un mode de vie qui remet en question le rapport au travail… Pour tous les secteurs, les réseaux ont dû réfléchir pour adapter leur offre, répondre aux nouveaux besoins et surtout imaginer le monde d’après.
D’un point de vue macroéconomique, les réseaux de franchise s’attendent désormais à un afflux de candidat.es. Le même phénomène avait été observé dans la foulée de la crise financière de 2008, dans un pays qui demeure un modèle de développement de la franchise en Europe. La multiplication des plans sociaux a inexorablement entrouvert les portes du salut professionnel via le modèle de la franchise, un développement structuré grâce à un accompagnement durable.
Agilité manifeste, nombre de têtes de réseau ont lancé un accompagnement spécifique face à la covid, à l’image d’Attila, spécialiste de la maintenance et de la réparation de toiture. Ce franchiseur jamais à court d’idée a lancé un programme en faveur des personnes en reconversion au mois d’août. Même réflexe dans le réseau ERA immobilier qui a adapté son concept au contexte pour améliorer sa marque employeur.
Chez ERA Immobilier, le programme VIP Service a été conçu pour les collaborateurs qui ont cultivé de nouvelles aspirations au lendemain du confinement : les négociateurs, se sont vus ouvrir des perspectives d’évolutions professionnelles choisies et personnalisées, de quoi faciliter, pour l’agent immobilier franchisé, un recrutement élargi, une fidélisation de ses collaborateurs, et par conséquent développer ses parts de marché. Il est également question de donner envie à des profils variés de découvrir le métier de négociateur immobilier et de leur proposer une évolution de carrière plus attractive, une rémunération adaptée à leurs compétences, ou tout simplement une évolution de leur métier allégé de contraintes administratives. Ainsi, grâce à un programme complet de formations axées autour de plus de vingt modules, un négociateur se trouve à même de gravir jusqu’à huit échelons – de négociateur débutant au poste de manager. « Nous souhaitons permettre aux collaborateurs des agences ERA d’évoluer professionnellement en leur donnant tous les outils pour s’épanouir, car il est normal qu’avec le temps les besoins évoluent et que l’on aspire à de nouvelles fonctions. Avant de proposer ce programme, nous étudions au cas par cas le profil du ou de la candidat.e pour nous assurer qu’il ou elle aura la capacité d’assumer de nouvelles fonctions », confirme François Gagnon, président d’ERA France et ERA Europe. Finalement, ce VIP Service convient aux franchisé.es désireux.euses de faire évoluer leur agence, de s’adapter à cette situation inédite et aux nouvelles demandes des clients en dépassant le modèle standard, de s’axer davantage sur le modèle anglo-américain où certaines agences immobilières accueillent jusqu’à 300 collaborateurs.
La franchise en France, une attractivité forte
En 2019, la France recensait 2 049 franchiseurs pour 78 218 franchisés. Parmi les champions de la franchise, les cinq secteurs les plus forts demeurent l’alimentaire avec 15 488 points de vente (+3,6 %), l’assistance à la personne avec 9 756 sites franchisés (+ 6 %), les services automobiles avec 9 110 implantations (+6,2 %), les commerces divers avec 7 744 franchises (+0,2 %), la coiffure et l’esthétique avec 6 608 points de vente (+0,4 %). La franchise séduit et incarne la triple qualité de l’accompagnement et de l’autonomie, associé à la maîtrise des risques. C’est également un formidable modèle collaboratif où le terme « intelligence collective » prend tout son sens à l’heure où les entrepreneurs entrent en quête de modèles efficients. En période de crise, définitivement, le secteur de la franchise confirme sa solidité et son dynamisme. En 2019, le secteur a généré un chiffre d’affaires de 68 milliards, soit une progression de 9,5 % par rapport à 2018. Il emploie 757 852 personnes (emplois directs et indirects). Résiliente, la franchise est aussi synonyme d’adaptation, d’innovations positives, et c’est pourquoi elle sera au rendez-vous de la relance économique, comme l’exprime en ces termes une Fédération épanouie.
L’effet d’aubaine pour la franchise concerne également les réseaux du secteur médical à l’image des StudioSanté, DistriClub Médical ou encore Bastide. Plus généralement, les réseaux de services aux particuliers ont été en première ligne pendant le confinement et restent lancés sur cette trajectoire de croissance. La FFF compte quelque 132 réseaux identifiés en France dans ce secteur, soit 5 947 chef.fes d’entreprise à la tête de leurs agences. Les concepts sont variés : lisez l’Interview croisée de ce numéro entre le réseau La Main Tendue et La Vie Claire. AD Seniors, Générale des Services, Domidom… autant de marques qui recrutement activement aujourd’hui.
Et l’international ?
Selon l’European Franchise Federation (EFF), près de 14 000 enseignes opèrent en Europe. La marche haute du podium international est occupée, par le nombre de réseaux, par les États-Unis (3 472 réseaux). La Chine en compte près de 4 000 réseaux, le Canada aligne 1 200 enseignes en réseau de franchise, le Brésil 3 039, et l’on en dénombre 1 120 en Australie. Au regard de ces chiffres, l’Europe apparaît comme ultradynamique : à elle seule, elle dispose d’autant d’enseignes que l’ensemble des principaux marchés économiques mondiaux réunit. Mieux. Selon la FFF, la franchise en France occupe le premier rang européen avec ses 2 004 réseaux de franchise. La France a également le mérite d’avoir su développer ses propres réseaux à l’étranger : 21,24 % des enseignes françaises sont exportatrices, formidable vecteur à l’exportation, plus solide qu’une exportation traditionnelle.
Geoffroy Framery