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Les innovations changent notre manière de consommer et surtout de parcourir les allées d’un magasin. De l’achat coup de cœur à l’achat corvée, la rédaction de Franchise et Concept(s) a analysé les tendances à venir et les best practices en matière d’expérience client.
Malgré une tendance des Millenials plus enclins à commander sur Amazon que de trainer leur sneakers jusqu’à un magasin, malgré un essor manifeste du e-commerce et du sacre économique de certains pure-players, « le magasin physique demeure la canal privilégié des Français », nous assure Gary Guillier-Marcellin, directeur de la division display de Samsung en nous présentant le 5 juin les résultait du baromètre « Shoppers ». Les points de vente ont donc toujours des jours heureux à couler…et ce, à grand renfort de digital.
Le point de vente physique a le vent en poupe?
Selon l’étude, nous serions entre 73% et 88% selon les générations à pousser les portes de magasin pour bénéficier du conseil de l’enseigne, s’assurer de la qualité du produit ou encore réaliser les fameuses courses-corvées du quotidien (cf. l’achat de papier toilettes, de produit vaisselle, ou du citron verre pour finaliser son mojito à 19h30 en sortant des bureaux dans un magasin bondé parce que tout le monde a eu la même idée…). Et Goran Milinkovic co-gérant d’une franchise Aviva Cuisines d’ajouter sur la partie conseil : « Si les personnes rentrent en contact avec notre marque sur Internet, il faut qu’ils retrouvent le même esprit dans notre magasin. Le réseau a eu recours à l’illustratrice et blogueuse Margaux Motin pour rendre nos magasins plus chaleureux et attractifs. Une fois le client entré, l’écoute est primordiale d’autant plus pour des actes d’achats qui impliquent une dépense conséquente. La cuisine est co-conçue avec le client qui valide chaque étape et nous travaillons sur la confiance. Le vendeur qui passe en force cela ne fonctionne plus. Et nous accordons également de l’importance au droit à l’erreur du client.»
Grâce à ces avantages notoires du point de vente, nous serions même 79% à finaliser notre achat en boutique après un parcours multicanal (information sur le prix sur Internet, click and collect,…)
Dans les motifs qui poussent à l’acte d’achat, le baromètre s’attache à mettre en exergue la spécificité de la marque et des produits mais également le décor, le design et l’ambiance. Presque un tiers des Millenials d’ailleurs y accordent une grande importance.
Dans les comportements, notre achat serait conditionné « par la sollicitation ». Dit autrement, nous serions 59% à pratiquer de l’achat opportuniste, un achat de type coup de cœur en raison d’un point de vente attractif.
Clients rétifs aux nouvelles technologies ?
Rozenn Perrigot, Professeur des Universités et Directrice du centre franchise & Commerce en réseau- IGR-IAE Rennes, Université de Rennes I modère : « Dans la relation client au sein des points de vente, émergent de plus en plus de technologies, dans la PàP notamment ou encore dans la restauration. Mais ces nouvelles technologies ne sont pas matures dans les réseaux pour la plupart. Surtout leur déploiement ne doit pas se réaliser au détriment de la relation humaine. McDonald’s a par exemple réussi son pari en permettant la commande sur des bornes ou en ligne pour libérer les équipiers sur cette tâche et les mettre à disposition du client pour le service à table. Là est la condition de réussite des pratiques innovantes. Il faut que les nouvelles technologies permettent de gagner en efficacité pour allouer du temps sur le parcours client et la qualité du service. »
Et Eric Schneider, directeur général de LDLC, distribution d’abonder : « notre digitalisation est passé par un travail de l’ombre. Nous souhaitons que nos franchisés se concentrent sur la valeur ajoutée d’un point de vente et de réparation, sa relation client. Pour ce faire, nous les avons déchargés des tâches chronophages de gestion et d’exploitation via la structuration et la mutualisation de notre SI »
Or les dispositifs digitaux sont un levier d’acquisition de nouveaux clients bien que leur valeur d’usage reste à démontrer. « Les clients n’ont pas encore adopté certaines technologies malgré leur apport dans le parcours client », note Gary Guillier-Marcellin. Ce faisant, l’encaissement mobile, contrairement à des pratiques bien ancrées dans les pays anglo-saxons peine à se démocratiser en France. Le baromètre d’ailleurs évoque que 42% des sondés qualifient la technologie d’inutile. Pourtant, elle permet de désengorger les caisses et files d’attente attenantes et de proposer un moyen de paiement classique via CB en plus du paiement mobile et les Wallet dématérialisés. Que penser alors du temps d’adoption des nouvelles solutions de shopping et de paiement annoncés par Amazon où tout passe par smartphone… De même, la reconnaissance faciale, bien que développées dans certains réseaux d’optiques comme Evioo ou encore Optical Center laissent pour l’instant les sondés de l’enquête de marbre voire inquiets. 20% des interrogés craignent que la reconnaissance faciale soit trop intrusive en termes de data malgré la possibilité de personnaliser davantage les besoins des clients. « Un effort de pédagogie reste à entreprendre. 51% des personnes de notre baromètre n’ont pas confiance dans le paiement dématérialisé, et 50% ne souhaitent pas être géolocalisés pour adapter les promotion et la communication », continue l’expert Display de Samsung.
La data prête à décoller ?
19% des Français, selon la même étude ne souhaiteraient jamais communiquer sur leurs données personnelles. 81% le feraient à condition qu’il s’agisse d’une enseigne fréquentée en qui les clients ont déjà confiance. Coté nature de l’information, 65% sont prêts à délivrer via formulaire leur nom, prénom, mail, et un tiers serait prêt à délivrer son numéro de téléphone voire ses centres d’intérêt.
Si un retailer sur deux semble recueillir et véritablement exploiter ces différents types de data, les vertus de l’interprétation de ces datas ne sont plus à prouver. Elle permettent de promouvoir et de personnaliser le contenus. Coté client, cela permet d’avoir accès à l’ensemble de son historique client.
Expérience client: la valeur perçue à tout prix ?
Julien Siouffi, membre du collège des experts de la FFF (fédération française de la franchise), spécialiste du digital et du développement chez Franchise Marketing Factory complète:
« La relation client est stratégique. Et l’innovation irrigue certains secteurs traditionnels pour redessiner complètement notre relation à l’enseigne ». Business case avec le secteur traditionnel de la boulangerie, qui a priori, ne nécessite pas d’innovation majeure… A priori…
« La restauration boulangère est le pan d’activité qui se développe le plus en boulangerie. Et cette tendance connaît une très forte digitalisation. L’idée est de simplifier l’offre de restauration et de répondre aux exigences clients soit « quand je veux, comme je veux ».
En d’autres termes, le client choisit le moment de sa commande, ce qu’il va consommer, payer, et choisir le mode de mise à disposition : sur place (sans attente), click and collect ou en livraison.
« On passe d’un modèle immuable de la boulangerie à un modèle où le boulanger ou la boulangère n’est plus derrière un comptoir. Il/ elle passe devant pour conseiller sur les produits à disposition. Et dans cette démarche, le client peut également avoir un parcours tout à fait autonome », renchérit Julien Siouffi.
CA en croissance pour parcours clients innovants !
Outre, un parcours client fluide et aisé, les avantages de la technique sont nombreux sur les points de vente. Le paiement mobile est possible. Les habitudes de consommation sont aussi enregistrées ce qui permet au commerçant de prévoir en conséquence et surtout au consommateur de commander encore plus vite. « Nous observons aussi la consommation augmenter devant automate avec parfois des chiffres atteignant + 30%. Les personnes culpabilisent moins devant un automate, ont plus de temps pour choisir », analyse le spécialiste du digital pour la FFF.
Ré-organisation des points de vente
L’autre mutation profonde qui touche également le secteur de la restauration est le développement exponentiel de la livraison. « Un restaurateur qui joue le jeu de la livraison peut augmenter son CA de 30%. Dans le secteur du Tacos, cela grimpe même à 50% ». Si aujourd’hui, vous êtes souvent amenées à penser que le workflow est mal organisé entre les livreurs/ opérateurs et vous en tant que client, l’expert de la FFF insiste sur une évolution nécessaire des points de vente pour organiser ces nouveaux flux logistiques. Le point de vente physique développe ainsi une nouvelle chaine logistique. Reste ensuite à savoir quel parcours client choisir en point de vente et surtout comment entretenir la flamme hors du point de vente pour attirer le chaland en ses murs.
Fidélisation hors point de vente qui impacte les magasins
« Sur la notion de fidélisation. La relation client au profit se dessine à coups d’interfaces mobiles dans lesquels on garde une relation dans et en dehors du point de vente. Cela passe par une nouvelle tendance marketing qui consiste à nourrir la relation avec des contenus de marque. Cette tendance prégnante en inbound marketing concerne donc tous les secteurs. « La relation à distance oblige une migration du discours. On réalise du push produit pour mettre en avant les promotions, mais on va encore plus loin pour nourrir le discours de marque. Que vous soyez dans la fleur ou dans la boucherie, il faut développer le contenu de qualité qui dépasse le marketing traditionnel pour ramener le client chez soi », décrit Julien Siouffi.
Dans un segment de niche, Mar Guerrero, franchisée Kids&Us école de langues, réseau mondial de 425 écoles qui compte 5 écoles en France depuis 2012 insiste sur la fidélisation hors point de vente mais aussi hors du contenu numérique. « Nous avons lancé de nouvelles applications pour améliorer la relation parents enseignants et la personnalisation de la pédagogie. Mais dans notre réseau. L’événementiel tient une part importante : fête de fin d’année. d’un pique-nique géant avec spectacle et remise de diplômes. Les parents sont émus. Nous possédons un cahier de best practices pour dupliquer et adapter selon objectifs de fidélisation. Cela passe par des petits rien comme des cartes d’anniversaire et cartes de vœux à la nouvelle année. L’idée est de créer un univers pour créer un sentiment d’appartenance alors que les enfants ne sont chez nous que quelques heures par semaine »,
La communication de type Brand Content se passe également en les murs des enseignes, chaque point de vente est équipée d’écrans géants qui diffuse les messages corporate et les offres promotionnelles. « Et nous délivrons également d’autres types de contenu à valeur ajoutée pour captiver le client. Cela se traduit en recette de cuisines, de reportages sur le bien-être, de spots contre le gaspillage ou encore de promotions avec nos partenaires dans l’électroménager », illustre Goran Milikovic.
Nouvelles posture pour les réseaux ?
L’enjeu pour les réseaux et la franchise notamment serait d’assurer la bonne coordination des contenus pour couvrir l’ensemble des parcours clients. « Avant l’omnicanalité, l’acte de vente se basait sur le fait de rentrer dans le magasin, acheter et en ressortir et pourquoi pas tamponner une carte de fidélité. Aujourd’hui, les points de contact avec les enseignes se sont démultipliés.
Les têtes de réseaux doivent donc viser l’homogénéité et viser la cohérence entre la marque et l’alimentation des points de contact tout en respectant l’autonomie contractuelle. C’est un ensemble systémique. Quels que soient les flux, les enseignes sont condamnées à se réinventer en permanence. Elles ne peuvent plus se contenter de dupliquer leur concept à la photocopieuse et doivent s’intéresser à l’organisation du changement pour comprendre les besoins mouvants des clients et donc passer d’une tendance de duplication de savoir faire à une logique d’innovation perpétuelle du savoir faire », harangue l’expert de la FFF.
Geoffroy Framery