Mon réseau a perdu sa tête…

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Cession ou dépôt de bilan : la tête de réseau change ou disparaît. Aléa pas si rare. Il fait partie de la vie des franchisés avec son cortège d’inquiétudes légitimes. Le point sur les bonnes pratiques à adopter dans de pareils cas.

À la tête du cabinet de consulting Progressium, spécialisé dans l’organisation et le développement des réseaux de franchises, Jean-Paul Zeitline fut lui-même, dans une ancienne vie, un franchisé, dans le secteur de la location de voitures. Carrière émaillée d’un événement peu commun : sa tête de réseau a déposé le bilan. « C’est un choc sur le coup, mais après réflexion, ce n’est pas la fin du monde, analyse l’expert. Certains cas se révèlent peut-être assez gênants, par exemple si des flux financiers transitent par le franchiseur, s’il fait centrale de paiement ou si la totalité des approvisionnements passe par lui. Mais ces cas de figure ne forment pas la majorité. L’événement sera vu comme une opportunité pour passer en pur indépendant. » Les cas où la maison mère dépose le bilan alors que les franchisés se portent bien ne sont pas rarissimes. Pour reprendre un exemple récent, tous les voyagistes sous la bannière de Thomas Cook n’étaient pas nécessairement en mauvaise santé, mais ils ont dû composer avec un paramètre qui les dépasse. Les franchisés n’ont bien souvent rien à voir avec les causes à la base de la liquidation : mauvais investissements, décision d’un actionnaire étranger de se retirer d’un pays, etc. Un dépôt de bilan entraîne ipso facto la fin du contrat qui lie la tête de réseau à son franchisé. Lequel est libre de s’allier avec une autre enseigne nationale. Avec, malgré tout, une contrainte : le secteur géographique. Si une enseigne est déjà présente sur un territoire, elle n’aura pas forcément envie de créer un deuxième point de vente sur la même zone de chalandise. « Dans tous les cas, il faut mener une analyse froide de la situation et ne pas traîner, agir vite et prendre la bonne décision. Et rapidement, acter la fin du contrat auprès du tribunal de commerce », conseille Jean-Paul Zeitline.

Franchisés en région, unissez-vous!

Le cas extrême du dépôt de bilan n’est pas le seul aléa capable de chambouler les habitudes d’un indépendant sous enseigne. Il arrive bien plus souvent que la tête de réseau change suite à une cession, source d’inquiétudes pour les franchisés. Qui dit que les bons rapports entretenus avec l’enseigne cédante vont perdurer avec une nouvelle direction que le franchisé n’aura par définition pas choisie ? « Rien n’interdit à un franchiseur de revendre son activité. Sinon que l’annonce d’un changement de tête de réseau via un rachat provoque un sentiment d’alerte assez compréhensible. C’est bien souvent au nouveau venu de gagner la confiance de son réseau et d’assurer la transition », note le fondateur de Progressium. S’il apparaît délicat d’intenter une quelconque action en justice en l’absence d’éléments tangibles d’entorse au contrat de franchise de la part de la nouvelle tête de réseau, il n’est pas interdit d’agir pour la préservation de ses intérêts. « Le premier réflexe est de relire le contrat. Est-ce qu’une clause mentionne la cession de l’enseigne ? Si oui, le franchisé ne peut rien dire, relève Charlotte Bellet, avocate associée au cabinet BMBG, spécialiste de la défense des franchisés. Si ce n’est pas le cas, il est possible de négocier sa sortie. Il est en tout cas préférable de s’entourer de conseils avisés. » Dans tous les cas, les franchisés anxieux auraient tout intérêt à se regrouper, via une association, puis d’élire un bureau qui sera l’interlocuteur privilégié du franchiseur. Non seulement la parole des franchisés acquiert un poids supplémentaire, mais de plus se fédérer coupe court au risque de solitude dans ses démarches, avec ses inquiétudes, face au flou qui entoure la cession. « Ainsi regroupés, les franchisés vont davantage peser dans les négociations, maintenir l’équilibre économique du contrat et s’assurer de l’intention du cessionnaire de prendre le pli de celui qui vend. Si la tête de réseau décide de changer la politique d’approvisionnement ou les fournisseurs, vos points de marge pourraient subir un impact. L’équilibre économique du contrat serait ainsi mis en péril », analyse Charlotte Bellet. Or si un contrat n’est pas respecté, alors le juge pourrait y voir un motif objectif de résiliation.

Rachat ?

Le regroupement de franchisés va en outre servir les intérêts de ceux et celles qui souhaitent continuer à exploiter une marque en cas de liquidation de l’enseigne. Il est possible pour eux/elles de la racheter en formant par exemple un GIE. Nicolas Charara, consultant en franchise internationale (cabinet Gagner en franchise) a notamment planché sur le cas du rachat de Quick par le groupe Bertrand et sur la reconversion des restaurants en établissements Burger King : « En Belgique, les franchisés locaux se sont regroupés afin de continuer à exploiter la marque sous cette enseigne, et ils sont tombés d’accord avec le groupe. L’idée de se fédérer est efficace, mais ce n’est pas si simple : il n’y a plus de tête de réseau derrière pour assurer la politique marketing nationale ou uniformiser la logistique. »

MARC HERVEZ

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