Prudence est mère… de la franchise

Développement en franchise ou en propre ? Avec qui ? Au centre-ville ou en centre commercial ? Dans quel quartier ? Mais qu'est ce que je fous ici ?
Développement en franchise ou en propre ? Avec qui ? Au centre-ville ou en centre commercial ? Dans quel quartier ? Mais qu'est ce que je fous ici ?

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Développer un concept en franchise est un job à plein temps, qui nécessite moyens, temps, diplomatie et études préalables selon Armand Taieb, président de Senda. Conflits et échecs ne sont pas improbables.

Développement en franchise ou en propre ? Avec qui ? Au centre-ville ou en centre commercial ? Dans quel quartier ? Mais qu'est ce que je fous ici ?
Développement en franchise ou en propre ? Avec qui ? Au centre-ville ou en centre commercial ? Dans quel quartier ? Mais qu’est ce que je fous ici ?

Une fois n’est pas coutume, EcoRéseau ne décortiquera pas l’échec d’un réseau pour en tirer des enseignements. Il est parfois pertinent de se tourner vers ceux qui ont réussi, mais qui ont dû renoncer au développement en franchise dans un certain contexte. Armand Taieb, président de Senda (Fuxia l’Epicerie et ses genres de trattorias italiennes, La Ferme et sa restauration rapide à partir de produits frais et bio, Razowski et ses hamburgers chics), est un entrepreneur heureux. Fuxia s’est ouverte à la franchise en 2007, afin d’accélérer son déploiement sur le territoire national. Seulement son développement en propre a été plus important que son réseau en franchise. Il possède aujourd’hui 25 restaurants Fuxia hors franchise, qui réalisent 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. La raison ? Il y en a plusieurs.

L’exception parisienne

Après avoir beaucoup étudié les réseaux en place, celui qui a fondé la chaîne Fuxia avec Nathalie Davis  a découvert que les conflits étaient pléthoriques dans la capitale. « Y mettre en place un réseau de franchise en restauration est très complexe et chronophage. Les exclusivités territoriales sont un véritable casse-tête, dans une ville où les rues s’entremêlent et les arrondissements ne veulent rien dire », précise-t-il. Ayant associé des responsables de longue date, qui n’avaient pas assez de moyens pour devenir franchisés, dans Paris et la banlieue, il a néanmoins suivi un développement en franchise en Région. Suite aux errements d’un franchisé à Lille il a racheté le magasin, et a fait de même à Bordeaux. Mais le risque de conflits dans les grandes villes n’est pas l’unique cause de ce choix. Ce qui est déterminant dans le secteur semble la gestion du personnel. Chaque restaurant compte une équipe de 10 à 20 personnes aux profils très variés. Il est évident que le directeur et le plongeur ne se dirigent pas de la même manière. Ce sont des métiers de l’humain, où la politesse et la serviabilité de l’équipe auront une influence directe sur l’activité et le chiffre d’affaires. Or il est extrêmement compliqué de gérer l’humain à distance. « J’ai donc mis à la tête des restaurants de Paris et de proche banlieue, comme à Saint-Germain-en-Laye ou à Thiais, des responsables intelligents et de confiance. En Région, dans des villes que je connais mal et où je ne peux pas me rendre tous les jours, je préfère laisser les rênes à un franchisé plus apte », explique le dirigeant d’expérience.

Relation à faire vivre dans la durée

Celui qui a lancé Fuxia en 2000 se souvient que le process de recrutement de candidats a déjà été stoppé durant la formation – qui oscille de trois à six mois selon leur profil et leur historique -, alors qu’ils avaient été sélectionnés. « Mieux vaut arrêter les dégâts avant l’ouverture. S’ils ne sont pas du sérail, nous leur inculquons les valeurs qui font le succès dans la restauration, à savoir le service, le service et encore le service. Mais certains ne s’en accommodent pas. Dès lors la relation est vouée à l’échec dès le début. Or les travaux nécessaires dans les nouveaux restaurants s’élèvent souvent à 1 millions d’euros ». Pour le dirigeant parisien, le plus difficile consiste à entretenir une relation saine et de confiance dans la durée.  « Le patron a investi son argent, il importe de le respecter, mais pas de se laisser marcher sur les pieds. Pour avoir beaucoup échangé avec d’autres franchiseurs, je peux dire que nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre aux mêmes problématiques. Certains franchisés ont assimilé le concept et finissent par se demander pourquoi ils doivent continuer de payer une redevance tous les mois. Les formations et colloques sont très utiles pour leur rappeler qu’ils doivent aussi leur succès à la tête de réseau qui réalise un travail considérable et les accompagne. Mais nous sommes un petit réseau et ces pratiques sont difficiles à mettre en place ». Les franchisés qui décident de n’en faire qu’à leur tête sont un grand risque pour tout le monde. Un service moyen et une qualité de produits moindre, à l’heure des sites Internet permettant aux clients de divulguer leur retour d’expérience, sont immédiatement destructeurs pour l’image de la marque en général. « Nous avons mis en place un système de clients mystères. Quatre viennent manger dans chacun de nos restaurants en propre chaque mois, deux dans nos restaurants franchisés », décrit Armand Taieb, selon qui le métier de franchiseur dans la restauration nécessite concentration, temps et diplomatie à un haut degré. Mieux vaut renoncer s’il manque un de ces trois ingrédients. « Ce n’est pas du prêt-à-porter. Il est très facile de détruire un réseau s’il est mal contrôlé »

Environnement changeant menaçant le concept

Autre difficulté, les formules peuvent différer selon les emplacements. Dans le cas de Fuxia les restaurants en centre-ville seront habités par l’univers du vin (large gamme, linéaires,…), quand ceux situés dans les centres commerciaux, que les clients atteignent en conduisant leur véhicule, ne pourront adopter une telle configuration. Ce qui ne facilite pas la formalisation du concept. De plus les habitudes évoluent. Ces centres commerciaux justement ne sont plus aussi incontournables depuis cinq ans en Région. « Nous constatons une nette désaffection du public pour ces lieux, ce qui nous oblige parfois à nous retourner sur les centres-villes. De plus les populations évoluent. « Bobos » ou « prolos » se déplacent. Des minorités religieuses deviennent majorités dans certains quartiers, ce qui peut rendre notre offre – où le porc est très présent – incompatible ».
Pour toutes ces raisons Armand Taieb pèse bien le pour et le contre lors d’une nouvelle implantation. « Même si le développement en réseau permet d’aller vite et est synonyme de belle aventure, je garde à chaque fois en mémoire que le magasin en propre est aussi gage de tranquillité d’esprit. Je peux l’ouvrir sans me poser de questions. N’oublions pas qu’un franchisé qui fait une sortie de route entraîne avec lui de nombreuses personnes », ponctue le dirigeant de réseau… prudent.

Article réalisé par Matthieu Camozzi

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