StopCovid, le pari du gouvernement

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Une avocate spécialiste estime « irrationnelle » la crainte pour les libertés qu’il suscite.

L’application de tracing StopCovid, annoncée par le gouvernement depuis début avril, est entrée dans sa phase de tests et doit prochainement être examinée pour validation par les chambres parlementaires les 27 et 28 mai. Julie Jacob, avocate et déléguée à la protection des données, spécialiste des technologies et de la conformité, décrypte les tenants et aboutissements de cette démarche d’exception.

 

Comment définir et expliquer l’application StopCovid ?
C’est une application de contact tracing, téléchargeable sur téléphone portable et qui identifiera de manière anonyme les personnes positives à la covid-19 avec qui on aurait été en contact ou que l’on aurait pu croiser. Il faut commencer par dire qu’il ne s’agit pas de tracking, il s’agit de contact tracing, anonyme, volontaire et crypté. J’insiste parce que le terme de tracking est faux et trompeur, il soulève des inquiétudes injustifiées. Le tracking, ce sont par exemple les cookies, qui tracent nos parcours Internet et récoltent nos informations, l’application StopCovid, anonyme et cryptée, ne rentre pas dans cette catégorie.
Dès lors que cette application respecte ces principes de crypte et d’anonymat, c’est selon moi le nouvel outil barrière, capable de consolider la stratégie de lutte contre le virus. Il y a eu les outils médicaux et sociaux, voilà maintenant les outils technologiques. StopCovid va participer à la réussite d’un déconfinement contrôlé. Ses codes sources ont été publiés et certains pays ont déjà utilisé ce genre de solution, en Israël et à Singapour par exemple. Ça fonctionne et ça permet vraiment de compléter la stratégie globale.

En quoi les utilisateurs pourront-ils contrôler leurs démarches sur l’application et être assurés de leur anonymat ?
La démarche est complètement volontaire. On télécharge l’application sur son téléphone et on active soi-même le bluetooth, qui est donc une technologie de proximité et non pas de géolocalisation. Nos données, rentrées volontairement dans l’application, seront ensuite cryptées et stockées sur un serveur sécurisé de l’autorité de santé.
Un utilisateur diagnostiqué positif à la covid-19 décidera lui-même, de manière individuelle et volontaire, de se déclarer positif. L’information sera alors envoyée sous forme d’un QR code crypté à l’autorité de santé et un message d’alerte anonyme sera envoyé aux personnes qui ont côtoyé l’utilisateur positif dans les 14 jours, sans que jamais l’identité de l’utilisateur ne soit révélée. Le maître mot, c’est l’anonymat, l’application ne permet pas de savoir qui est malade ou non, toutes les informations sont cryptées et envoyés à l’autorité de santé qui est seule chargée de les traiter et d’en assurer la confidentialité.

Que répondez-vous aux multiples inquiétudes et doutes quant aux risques potentiels d’un tel outil, notamment vis-à-vis de la protection des données personnelles ?
Dès lors que les recommandations de la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés] sont suivies, assurer le cryptage et le chiffrement des données et également leur destruction une fois l’épidémie passée pour éviter tout stockage, il est selon moi nécessaire de lever les craintes et de se rassurer.
Je comprends la crainte d’une application intrusive, mais c’est à mes yeux incomparable avec les cookies, le GPS et bien moins dangereux ou incertain qu’un Google ou qu’un Tinder qui nous géolocalise. L’inquiétude relative à StopCovid me paraît irrationnelle, alors même qu’on envoie quotidiennement nos données personnelles sur des serveurs étrangers sans réfléchir.
En l’occurrence, on sait qu’il s’agit de serveurs français, contrôlés par la Cnil et l’Anssi [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information], avec un responsable de traitement qui sera la Direction générale de la santé. C’est très rassurant. Les précautions techniques et juridiques sont prises et il me semble qu’il faut accueillir cette application avec confiance, pour se munir d’un nouvel outil barrière efficace sur son smartphone.

Quel message adressez-vous aux potentiels futurs utilisateurs ?
En tant qu’avocate et déléguée à la protection des données, je suis sereine et j’attends avec impatience qu’on puisse utiliser cette application. Tout cela bien sûr, tant que les recommandations de la Cnil seront suivies, et que l’on soit assuré notamment de la destruction des données une fois la crise passée. La Cnil a donné un premier avis positif et plusieurs recommandations fin avril. Une fois que l’application et son lancement auront fait l’objet d’un vote au Parlement, la Cnil va repasser et vérifier si ses recommandations ont été suivies d’effets.
Pour StopCovid, des autorités de contrôle sont là tout au long du parcours. Capgemini et l’Inria [Institut de recherche en informatique et en automatique] développent l’application sous l’autorité de la Direction générale de la santé et des engagement ont été pris en vertu d’un protocole européen, validé notamment par l’Allemagne : le protocole Robert [Robust and privacy preserving proximity tracing protocol], qui pose les principes du proximity tracing par bluetooth.

propos recueillis par Adam Belghiti Alaoui

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