Temps de lecture estimé : 6 minutes

Gare aux effets de mode. La cigarette électronique, le bagel, les points ou corners de réparation de téléphones portables… autant de jeunes franchises jetées dans le grand bleu où elles coulent. Vous hésitez face à une enseigne sans réel passé ? Étayons votre raisonnement…

Que l’échec d’une franchise adossée à une enseigne toute récente relève d’un marché trop concurrentiel ou à un manque de vision du franchiseur frais émoulu qui n’a su faire évoluer son concept et son savoir-faire une fois le soufflé de l’effet de mode retombé, tout est possible. Se lancer dans l’aventure d’une jeune enseigne, aussi porteuse de promesses soit-elle, n’est pas toujours un gage de réussite à long terme. Or ce long terme, cette longtail, reste une notion centrale de la franchise dans le rapport de confiance instauré entre têtes de réseaux et partenaires indépendants. Après tout, un contrat de franchise dure en moyenne 5 à 7 ans… seulement. Il faut garder en tête qu’un jeune réseau est toujours en construction sous de multiples aspects. Reste à savoir si vous souhaitez faire monter en gamme l’enseigne dans une relation étroite avec un franchiseur qui itère (fait son chemin) sur de nombreux sujets.

Trois choix de réseau possibles

Choisir une enseigne flambant neuve est-il risqué ? Plusieurs cas de figure :

  • Il s’agit d’une nouvelle master franchise d’une marque étrangère encore méconnue sur le territoire qui veut s’implanter sur le marché français. La France demeure une excellente porte d’entrée sur le marché européen, pour trois raisons : la taille de son marché intérieur, la maturité de la franchise dans ce pays et les exigences réglementaires qui font du pays un cas d’école pour celui/celle qui envisage de conquérir ensuite l’Europe. La France est effectivement l’un des pays les plus exigeants au monde sur la question, entre autres, du document d’information précontractuelle (DIP). Une façon de démarrer par le plus complexe avant de se déployer dans le reste de l’Europe.
  • L’on a affaire à un concept tout à fait neuf, peut-être l’émanation d’un réseau historique. Les exemples sont nombreux. Beerstro, nouveau concept de taverne qui profite d’une appétence grimpante pour la bière. L’enseigne est, cela dit, née de l’idée des fondateurs d’un premier concept de bar à bière à succès qui s’appelle Au Fût et à Mesure. De même pour Happy, boutique de fleurs branchée, dernier né du groupe Emova qui rassemble en son sein des marques telles que Rapid’Flore, Monceau Fleurs ou encore Au nom de la Rose… Dans ce cas de figure, le nouveau concept s’appuie sur des équipes déjà rodées à l’exercice de la franchise capables de mutualiser les forces qui accompagnent les réseaux, aussi jeunes soient-ils.
  • Ou bien l’on se trouve face à un concept tout à fait original qui ne s’appuie sur aucun réseau antérieur solidement établi… Reste à choisir ce qui vous sied. Dans tous les cas, le jeune franchiseur doit prouver au jeune (ou vieux) franchisé que son concept le dote d’un avantage compétitif indéniable – innovation de service ou de produit, actions de communication ou de marketing, méthodes commerciales qui sortent des sentiers battus, ou d’un savoir-faire unique qui repose parfois sur le dépôt de brevet. Tel est le cas du jouvenceau Mental’O : « Nous nous appuyons sur une méthode protégée en droits d’auteurs à l’Inpi, qui se base sur un process unique de questionnaires et d’études qualitatives et quantitatives. Notre méthode est héritée du monde de l’entreprise, mais s’adresse aussi bien aux jeunes qui décident de dresser un bilan scolaire comme aux adultes désireux de réaliser un bilan de compétences, un virage de carrière ou un point sur leur vie professionnelle », décortique Armelle Riou, PDG du réseau.

Les réseaux jeunes : artisan de la franchise avant de devenir un industriel aguerri

Savoir-faire, duplication, industrialisation, process… Le développement d’un jeune réseau passe par des effets de seuils qui redessinent à chaque fois les rôles du franchiseur et du franchisé. Chez le franchiseur, la montée en puissance du réseau s’accompagne d’une inéluctable professionnalisation des métiers dans chaque aspect stratégique : savoir-faire, animation, formation, accompagnement dans la communication et le marketing, conseil sur l’emplacement, aménagement du point de vente et, dans le meilleur des cas, soutien de la demande de prêt auprès des banques (lire dans ce numéro p. 36). Le métier de franchiseur évolue par palier et par le nombre d’ouvertures. Donc, par définition, les patrons d’un jeune réseau de franchise mettent les mains dans le cambouis en permanence pendant la phase de maturité.

À celui ou celle qui rejoint un jeune réseau incombe de le parfaire, de tester et peaufiner ses méthodes commerciales, son savoir-faire et son identité. En d’autres termes, c’est œuvrer en exerçant son métier à tester un concept qui n’a pas totalement fait ses preuves dans de nouvelles conditions. Laurent Poisson, dirigeant de Participe Futur, conseil pour les réseaux de franchise, nous rappelle que « tout développement se réalise par palier. La première force d’un réseau, c’est d’accumuler de l’expérience pour la duplication ».

Risque plus grand mais appétence plus prononcée pour le concept

Effectivement, le manque d’ancienneté d’un réseau signifie par définition que les mailles du filet de sécurité que représente le modèle de la franchise sont un peu moins resserrées. Un tempérament d’entrepreneur et de pionnier semble ici tout indiqué. L’investisseur pur est prié de passer son chemin. Idem pour le porteur de projet qui choisit d’abord la franchise pour se rassurer. L’appétence pour le produit, le savoir-faire, la vision de la tête de réseau doivent primer. Fabienne Hervé, dirigeante de FH Conseil, modère toutefois le côté « pionnier » : « À propos des jeunes réseaux, il faut se poser les questions des moyens à disposition du jeune franchiseur en termes d’accompagnement, de qualité de services et d’innovation sur le savoir-faire. Rejoindre un jeune réseau signifie en quelque sorte tomber amoureux du concept. Ne nous leurrons pas. Si on cherche de la rentabilité, on va chercher des réseaux matures. Si l’on voit émerger chaque jour des concepts originaux, les développements qui paient sont toujours raisonnables et raisonnés. »

Des risques évidents

Bien évidemment, les garanties que va offrir la jeune enseigne ne sont pas comparables à celles d’un réseau mature. Impossible de comparer un géant de la franchise avec plusieurs centaines d’implantations à son actif et un concept original à peine lancé. La question épineuse sera donc celle de la rentabilité économique du concept. Si le franchiseur ne possède pas en nombre suffisant des établissements qui vérifient la rentabilité d’un point de vente similaire à votre projet, il importe de se renseigner sur les résultats du franchiseur, de ses succursales et, idéalement, de ses établissements pilotes. Autant d’indices qui pourraient rassurer les pionniers. De même, le franchisé ne va attendre de sa jeune enseigne le soutien de pairs expérimentés qui renouvellent leur contrat ou se trouvent en position de multifranchisés. Il ne faut pas espérer non plus une notoriété marketing qui augure d’un décollage rapide grâce à l’effet marque.

Faire partie des premiers, des avantages non négligeables

Un jeune franchiseur finalise son modèle de sa franchise et l’éprouve grandeur nature. À ce stade, il est inscrit dans les bonnes pratiques de la tête de réseau de se montrer très réceptive aux retours d’expérience de ses premiers franchisés pour faire évoluer le concept. Cette période, presque itérative, laisse la liberté au franchisé, dans certains cas, d’aménager la relation de façon plus souple : négociation des droits d’entrée, signature avant le contrat de franchise d’un contrat pilote (un à trois ans généralement) qui servira à tester le point de vente dans les conditions d’exploitation d’une unité franchisée avant de passer sur un contrat de franchise…

Les premiers ne seront pas les derniers

Votre position dans le réseau en tant que membre fondateur – vous co-construisez l’enseigne – vous facilitera, la réussite venue, l’accès à la multifranchise. Autre avantage pour le franchisé essuyeur de plâtres, l’instauration de rapports privilégiés entre tête de réseau et indépendants sous enseigne franchisée. « Nos premiers franchisés historiques testent en primeur les nouveaux outils avant une future implémentation à l’échelle du réseau », constate Arnaud Guérin, co-directeur du réseau Cash Express. De là à chouchouter dans la durée les premiers franchisés, il n’y a qu’un pas que franchit Laurent Delafontaine, juriste et conseil : « Ces franchisés sont les premiers et meilleurs ambassadeurs de l’enseigne. Ce sont eux que les candidats iront voir pour comprendre comment le savoir-faire vit et se perpétue. » Moralité : choisir une enseigne jeune reste risqué. Mais si le concept prend, les premiers entrés dans le cercle des franchisés apparus seront les hérauts de l’enseigne…

geoffroy framery

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité