Temps de lecture estimé : 3 minutes
Il peut être intéressant pour un responsable d’enseigne de compiler les données provenant de ses points de ventes en franchise afin de les analyser et améliorer ses performances. Mais encore faut-il se blinder juridiquement.
S’il reste un entrepreneur indépendant, le tenancier d’un établissement franchisé ne peut pour autant s’affranchir de certains engagements. Relation contractuelle intuitu personæ, le lien entre la tête de réseau et le point de vente en franchise implique en effet des prérogatives et obligations à tenir de part et d’autre. Notamment, le reporting, c’est à dire la transmission de données relatives au fonctionnement dudit point de vente vers la maison-mère. Autrefois, il s’agissait d’un travail fastidieux et, au final, peu exploitable, pour cause de délai temporel trop important entre le fait constaté et sa transmission. Mais les choses ont changé.
« A une époque où les progrès technologiques en matière de logiciels et de solutions sont notables, rendant l’accès par l’administrateur extrêmement aisés, même à distance, et où l’accès à l’information est devenu instantané, la collecte d’informations revêt un enjeu important », souligne Me Jean-Baptiste Gouache, avocat en droit de la distribution. Transparence et immédiateté. Ainsi, ces infos en temps réel peuvent être implémentées au benchmark de la tête de réseau et, pourquoi pas, être exploitées par cette dernière dans l’optique de décisions stratégiques ou la mise en place de politiques marketing. Si la pratique a de quoi interpeller les récents adhérents à un réseau, elle est légale. Mais encore faut-il que le contrat qui lie les deux parties autorise explicitement le franchiseur à accéder aux données. « A défaut, l’enseigne pourrait se rendre coupable de délit d’introduction susceptible d’être répréhensible », appuie le professionnel du droit.
« Obligation » stratégique et vision à 360° du réseau
Cette transmission de données, qui peut concerner un large éventail d’informations, allant du chiffre d’affaires en fonction des horaires d’ouverture à la gestion du stock, en passant par le panier moyen est censée permettre une meilleure animation du réseau et améliorer le savoir-faire du franchisé. L’objectif avoué étant de repérer les difficultés des franchisés en amont pour les corriger et de comparer les différentes franchises entre elles, et ainsi en tirer des conclusions au niveau du maillage du territoire, par exemple. « En tant que maison mère, vous avez une vision à 360 degrés de la santé des franchisés », ajoute Me Gouache. Ainsi, il est possible de mesurer en instantanément les effets de certaines décisions, par exemple, si le franchiseur propose des promotions et d’en informer les autres adhérents. La réactivité, un atout notable. « A l’époque du reporting papier annuel, lorsqu’un franchisé allait mal, on s’en rendait compte trop tard, quand il était déjà en dépôt de bilan », poursuit l’avocat.
Quid des données RH ?
De son côté, l’entrepreneur assujetti au reporting peut tout à fait négocier l’exploitation que compte en faire l’enseigne principale en amont. Cependant, il va de soi que ces données doivent être utilisées à des fins appropriées. Ainsi, le franchiseur ne peut court-circuiter un point de vente ou être intrusif dans la gestion de celui-ci. Le recrutement, la négociation des salaires des collaborateurs ou encore le prix des articles disponibles à la vente incombent au franchisé. Toutefois, les contentieux, en plus d’être peu fréquents, aboutissent rarement en faveur du franchisé. Jean-Baptiste Gouache cite néanmoins en exemple « le cas de ce franchisé dont le contrat a finalement été requalifié en contrat de travail. Un faisceau d’indices suffisamment concordants avait convaincu le juge : la tête de réseau s’était immiscé dans la gestion du point de vente ». Exiger des données relatives au fonctionnement d’une franchise n’implique pas l’ingérence dans les affaires courantes et quotidiennes. Pour ce qui est des données relatives au personnel, Caroline Belotti, avocate au Barreau de Paris, prévient : « le franchiseur est responsable du traitement de ses propres données RH. Le franchisé l’est à l’égard de ses propres salariés. Mais, si le franchiseur met à disposition de son réseau un outil commun, la chose se complique. Il convient de prévoir et qualifier le rôle des parties par contrat. » .
Marc Hervez