Franchises vertes et green business dans les starting-blocks

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Le secteur de l’économie verte semble promis à de beaux jours. S’y précipiter ? Les experts conseillent la patience…

Qu’on le nomme green business ou économie verte, le secteur n’attend qu’une chose, mais depuis plusieurs années : son décollage dans la franchise. Malheureusement, jusqu’ici, les fusées sont retombées. Dégâts à la clé. « Il y a eu beaucoup de catastrophes, car beaucoup de réseaux se sont montés vite pour profiter d’un avantage fiscal lancé à un instant t, qui a disparu par la suite », explique Jean-Paul Zeitline, fondateur du cabinet Progressium. Un exemple, le business des panneaux solaires. Il s’est bien développé tant qu’EDF le soutenait… puis l’arrêt du rachat à prix avantageux a précipité les panneaux au sol, souvent au détriment ultime du particulier. Et des enseignes. Soleil en Tête, par exemple, liquidée en 2012, en a payé le prix. Ce n’est pas la seule activité liée à l’économie verte (et plus particulièrement aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie) dans ce cas : il s’est produit des événements similaires dans le domaine des pompes à chaleur. « L’économie verte n’est pas toujours stable – ou rentable, constate Jean-Paul Zeitline. Il faut que le réseau se monte en réponse à un besoin fondamental du marché, pas seulement pour surfer sur une démarche gouvernementale. » Pour autant, de nouvelles enseignes explorent régulièrement le secteur. Mais avec une trentaine de réseaux référencés dans ce secteur d’activité, on ne peut pas vraiment parler de déferlante.

Un secteur encore en devenir

Pourtant, il est indéniable qu’en franchise les secteurs du bio, des économies d’énergie et de la transition énergétique, pour n’en citer que quelques-uns, vont prendre de l’importance dans les années à venir. « On est encore à un point de bascule, estime Zeitline. Un réseau, c’est plusieurs enseignes, un concept qui séduit sur plusieurs territoires… Aujourd’hui, la pertinence et la stabilité de l’économie verte sont encore à démontrer. » Soutenir un réseau entier n’a rien à voir avec l’ouverture de quelques emplacements concentrés sur un territoire restreint.

Autre difficulté récurrente du secteur : les acteurs qui se lancent dans l’économie verte recherchent l’aubaine du pionnier (et l’effet de l’avantage fiscal). Ce n’est pas toujours souhaitable. « Il vaut mieux bien boucler son concept que de surprendre le marché, souligne Sylvain Bartholomeu (franchise Management). Tout secteur connaît ces aléas, quand certains veulent aller trop vite et raisonnent plus “produit” que “concept”. » Certes, le secteur est en plein développement et l’écologie et le vert sont indéniablement des mots porteurs. Mais voilà plus de quinze ans que les industriels travaillent à préparer l’avènement d’une production durable, dans l’attente de décisions politiques sans cesse repoussées. Un retard dramatique. « Les gens achètent un concept, pas un produit », souligne Bartholomeu. Trop souvent, si l’idée de base est bonne, si le produit princeps est bon, la transformation en réseau n’est pas réalisée avec le soin nécessaire. « On estime que la clé du succès d’une franchise réside dans ce qui est duplicable dans le succès de l’enseigne de départ, souligne Jean-Luc Cohen, associé chez Framboise Consulting. On ne peut pas compter sur la seule chance du fondateur. »

Aujourd’hui encore, il n’existe pas vraiment d’enseigne qui sorte véritablement du lot : peu de concepts sont véritablement testés et prouvés, peu de marques affichent une vraie volonté de construire un réseau structuré. Beaucoup sont pionniers sur des solutions d’avenir, mais ils ne connaissent pas vraiment leurs perspectives – ce qui rend le passage à une franchise solide délicat. Par exemple, dans le domaine du recyclage, « plusieurs marques s’interrogent sur l’opportunité de lancer un réseau », décrit Sylvain Bartholomeu. Et il existe des opportunités. Mais il est encore un peu trop tôt pour pouvoir dire avec certitude que le marché est suffisamment mature pour soutenir des franchises. « Il y aura un marché à terme, estime Jean-Luc Cohen. Mais il est encore un peu tôt. Il est encore en devenir. »
Dans la même veine, bon nombre des marques et activités de green business se concentrent sur le bâtiment. Mais elles présentent le désavantage d’être davantage, là encore, fondées sur des techniques plutôt que sur de véritables concepts. La précipitation du départ fait maintenant souvent place à des paysages moins attractifs. Preuve : dans le domaine du diagnostic énergétique, les enseignes sont arrivées vite – trop vite. Aujourd’hui, l’activité est en pleine restructuration et les rachats se succèdent. Le plus important réseau du secteur, Ex’im Expertise, compte 70 emplacements.

Aujourd’hui, quelques belles réussites

Pour autant, tout n’est pas sombre dans le domaine de l’économie verte. Dans les réseaux que compte le secteur, certains connaissent de belles réussites, dans plusieurs domaines. « Le bio, dans les aliments, marche très bien, souligne Jean-Luc Cohen. La Vie Claire, Biocoop… Les exemples se multiplient. » Biocoop est l’exemple par excellence que l’on peut réussir au nom d’un parti pris écolo affirmé. La coopérative, qui existe depuis maintenant plus de 30 ans, compte plus de 500 magasins sous enseigne et recrute une quarantaine de nouveaux adhérents par an. En 2016, le chiffre d’affaires moyen de chaque magasin a frôlé les 2 millions d’euros. Son exemple a inspiré le succès de La Vie Claire (plus de 350 magasins) et de Biomonde (plus de 200 magasins), entre autres, comme L’Eau Vive, Bio c Bon… Sans oublier les Carrefour Bio et autres déclinaisons vertes de marques leader de la grande distribution qui veulent profiter de la croissance impressionnante du marché des aliments bio.

Récemment, Biocoop a commencé à diversifier ses activités en entrant au capital de Bioburger (les deux enseignes restent distinctes), un réseau de restauration de taille encore modeste, puisqu’elle compte trois succursales et un emplacement en franchise. C’est aussi, pour les deux enseignes, une façon de promouvoir leurs valeurs vertes – Biocoop est un acteur actif de l’économie solidaire et ne s’en cache pas.

Si les produits bio marchent bien, il est plus délicat de tirer son épingle du jeu dans les autres sous-secteurs de l’économie verte (le recyclage, les énergies renouvelables, les économies d’énergie et les diagnostics). En matière de bâtiment et d’économies d’énergie, des marques connues comme Tryba (300 emplacements et une forte notoriété) mènent la danse. Mais les spécialistes de l’isolation ou de la maison verte, comme Isocombe, Isoltoit, ou encore Natilia commencent à prendre une certaine envergure et le marché voit de nouveaux acteurs arriver. Comme Préservation du Patrimoine, un réseau encore assez jeune (la marque date de 2005 et la franchise de 2016), mais qui affiche de belles ambitions : il compte 14 enseignes, mais le développement s’est accéléré cette année avec une ouverture par mois en moyenne.

Le reste des franchises se verdit

Outre ces belles réussites, une autre façon dont l’économie verte progresse – et donc l’une des raisons pour lesquelles on sait que le secteur est porteur de forte croissance dans un futur proche – se mesure à sa pénétration des autres activités des réseaux. « Les idées derrière l’économie verte sont des problématiques par essence transverses. C’est, en fait, toute l’économie qui devient verte, estime Sylvain Bartholomeu. Et dans la franchise, le green business touche tous les concepts. Entre les lanceurs d’alertes, les associations qui jouent un rôle de vigilance et les demandes du public, de plus en plus d’enseignes se posent la question de l’intérêt de se « verdir » ». De plus, être vert constitue aujourd’hui un indéniable facteur de différentiation aux yeux des consommateurs. C’est plutôt à la frontière du secteur de l’économie verte que l’on trouve d’autres réussites à la façon du lavage de véhicules (sans eau). Les franchises Ecoline Wash, Cosmeticar et Ecolave comptent respectivement 130, 70 et 56 enseignes. Les deux dernières cités ont été distinguées par des prix. Autre activité bien soutenue, toujours dans le domaine du lavage : les pressings, avec pour chefs de files Aqualogia (avec plus de 100 implantations en France et à l’international), Sequoia Pressing (52 implantations) ou encore Aqua Blue (31 implantations).

Une démarche « durable » sera plus réaliste pour certains que pour d’autres : dans la restauration, par exemple, de nouveaux concepts se lancent qui intègrent les idées de l’économie verte dans leur ADN, comme Basilic & Co et ses pizzas cuites grâce aux énergies renouvelables et où tout est recyclable… Il en va de même pour le textile, où des concepts fondés sur des systèmes circulaires voient le jour. « Les initiatives se multiplient : fruits et légume en circuit fermé, vêtements durables… », rêve Jean-Paul Zeitline. Pas forcément de quoi générer des franchises, mais toutes ces enseignes participent activement au « verdissement » de l’économie. « Nous sommes en train de développer une franchise de crèches. A priori, une activité qui ne doit rien à l’économie verte, sinon que beaucoup de ses valeurs s’y retrouvent : le bâtiment est écoresponsable, les repas servis sont équilibrés et bios, les déchets sont traités… », continue Jean-Paul Zeitline.

Au fond, les réseaux de franchise, avec leur attachement particulier à la notion de territoire et leur puissance économique, ne s’ancrent-ils pas parmi les acteurs économiques les plus à même de mener des transformations internes de grande ampleur ? Il est plus que probable que c’est par l’accumulation de ces démarches – qui ne semblent pas révolutionnaires en tant que telles – que des changements en profondeur s’installeront, y compris chez les consommateurs. Quand les consommateurs se montreront en masse friands de solutions vertes, les franchises spécialisées dans le secteur pourront vraiment prendre leur envol face à une demande profonde.

Jean-Marie Benoist

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