Reprendre plutôt que créer : atouts et dangers

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Alors que les opportunités de créations de points de vente se tarissent, la franchise, elle, domine la dynamique hexagonale de création. Mais reprendre une franchise, n’est-ce pas la voie encore plus rapide vers la rentabilité ? C’est en tout cas une alternative séduisante.

Ouvrir une franchise, on en connaît les atouts : notoriété du réseau, expertise du franchiseur, de son expérience du terrain à son assistance technique et commerciale. Oui, mais voilà, la belle croissance du nombre des points de vente du secteur de la franchise, n’est pas éternelle. Alors que le développement des retail parks – parcs d’activités commerciales – pèse sur l’activité de centres-villes où il devient de plus en plus difficile de circuler, créer un nouveau point de vente apparaît un pari bien plus risqué qu’auparavant.

Des créations plus rares

C’est en tout cas le point de vue de Nicolas Balaÿ, propriétaire de plusieurs franchises Alain Afflelou opticiens et acousticiens dans la région Rhône-Alpes. « Il y a une vingtaine d’années encore, en fonction des marques, il pouvait se révéler très intéressant de créer un nouveau point de vente. Aujourd’hui, la donne a changé et les villes sont saturées d’enseignes. Dans l’optique notamment, les créations ex nihilo sont très rares. Mon développement passe dorénavant par des rachats de franchises. » En rachetant une franchise, l’entreprise s’offre, en théorie, une clientèle établie, sans affecter l’équilibre concurrentiel. Rose-Marie Moins, directrice développement, animation et promotion pour la Fédération française de la franchise, reconnaît également que le rachat de franchises est en plein essor : « Beaucoup de réseaux sont désormais matures. En outre, certains dirigeants voient l’heure de la retraite approcher et cherchent à se désengager. »

Franchir le mur du silence

Alors, opter pour une reprise ? Pas si simple. En premier lieu parce que les annonces ne sont pas toujours accessibles au plus grand nombre. « Les propriétaires ne sont pas tellement enclins à communiquer sur leur projet de cession en raison du message envoyé à la concurrence », explique Rose-Marie Moins. Une difficulté que n’a pas connue Aurélie Freval, jeune franchisée Jardin des Fleurs à Aix-les-Bains. Salariée de l’enseigne, elle a souhaité se mettre à son compte et a saisi l’offre de reprise qui lui a été proposée par son directeur. « Salariée pendant 17 ans à Chambéry dans une boutique du Jardin des Fleurs, j’ai monté en parallèle, grâce au statut de micro-entrepreneur, une activité dédiée aux mariages. Puis je cherchais un fonds de commerce quand le directeur de la boutique d’Aix-les-Bains m’a contactée pour pallier un manque de main-d’œuvre. De fil en aiguille, il m’a proposé son fonds de commerce », confirme Aurélie Freval. Cas de figure idéal. Car pour trouver des unités franchisées à reprendre, le mieux est de s’adresser directement aux têtes de réseau plutôt que de partir, nez au vent, à la recherche d’un franchisé vendeur.

La tête de réseau a la main

Une fois la perle rare dénichée, encore faut-il que la tête de réseau soit d’accord. Le contrat de franchise est conclu intuitu personae, il engage une personne et non une entreprise, avec une enseigne, et n’est donc pas cessible. « La tête de réseau donne son feu vert en amont sur la personne du repreneur, en général très rapidement. Il n’est dans l’intérêt de personne de perdre du temps », assure Rose-Marie Moins. « Ils ont en effet leur mot à dire dans une opération de cession : ils ont un droit de regard vis-à-vis des repreneurs potentiels via la clause d’agrément et peuvent refuser une candidature s’ils estiment que la personne n’offre pas le profil adéquat », confirme Nicolas Balaÿ. Parce qu’elle était (re)connue de la maison mère depuis près de vingt ans, Aurélie Freval a obtenu très facilement l’aval de sa tête de réseau.

Des reins solides

Se pose alors la question du financement. Le coût d’une reprise est plus élevé que celui du ticket d’entrée d’une franchise en création. Une prime qui s’explique naturellement. Acheter une franchise existante, ce n’est pas sauter dans l’inconnu. L’acquéreur connaît le chiffre d’affaires, le compte de résultat, récupère une clientèle établie, un personnel formé et un point de vente aménagé aux normes du franchiseur. La reprise d’un point de vente se chiffre au moins 30 % de plus qu’une création. Chaque franchise possède sa propre méthode d’évaluation du fonds de commerce, fondé sur le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation. « Dans l’optique, le prix de vente représente entre 80 et 100 % du chiffre d’affaires annuel de l’enseigne », estime Nicolas Balaÿ. L’apport personnel (30 à 40 % de l’investissement) constitue bien souvent l’obstacle des repreneurs. Une solution existe, le système de prêt de Monte ta franchise ! Le prêteur investit dans des entrepreneurs motivés pour lever la barrière financière. « Les remboursements de l’emprunt courent sur les sept ans du contrat de franchise », explique Aurélie Freval qui en a bénéficié.

Connaître parfaitement le dossier

« L’obtention du financement ne doit pas empêcher le candidat à la franchise de s’interroger : a-t-il la capacité de faire croître l’enseigne ? Pour vivre de son activité, le/la franchisé/e ne doit pas se contenter de reproduire le schéma de fonctionnement que son prédécesseur, il/elle doit le dépasser et ne pas se fier au modèle économique de l’enseigne cible. Le propriétaire avait peut-être déjà remboursé ses emprunts. Son équilibre économique n’était pas le même. » Nicolas Balaÿ recommande de se montrer très vigilant sur le prix. « Au-delà des méthodes usuelles d’évaluation d’entreprises, il faut discuter longuement avec le dirigeant, comprendre parfaitement son business. Dans la franchise, on achète plus souvent un fonds de commerce qu’une entreprise. »

Attention à la perte de clientèle

La preuve, le principal piège du rachat de franchise est sans doute identifié : la perte de clientèle. « Le commerce marche beaucoup à l’humain. Le client se déplace pour l’enseigne mais aussi pour la relation humaine qu’il entretient avec son dirigeant. La parfaite connaissance des facettes du métier est fondamentale avant de se lancer, sous peine de perdre très rapidement un volume trop important de chiffre d’affaires. Le commerce, c’est du savoir-faire », témoigne Aurélie Freval. Selon les estimations de la Fédération, la perte du chiffre d’affaires à l’issue de la première année de reprise est de l’ordre de 10 %. Il reste donc fondamental d’identifier les motivations du cédant et ce qu’il compte faire après. S’il ouvre un nouveau commerce similaire dans les parages, l’hémorragie du chiffre d’affaires pourrait se révéler fatale.

L’appui de la tête de réseau

Se lancer dans une reprise de franchise ne coule pas de source. Pour autant, le jeu en vaut la chandelle. Surtout, le modèle reste plus rassurant que d’acquérir seul un fonds de commerce. « Certes, je redistribue 11 % du chiffre d’affaires à la tête de réseau, ce qui peut paraître trop élevé. Mais je suis largement gagnant. Au-delà de la centrale d’achat compétitive d’Alain Afflelou, mes enseignes bénéficient des vastes campagnes de publicité nationales orchestrées par la tête de réseau. » Aurélie Freval non plus ne regrette pas d’avoir opté pour le modèle de la franchise malgré des coûts plus élevés : « Compter sur une tête de réseau constitue un avantage significatif. Je suis soutenue, aidée par des professionnels qui connaissent tous les secrets du métier, mais aussi la comptabilité, la gestion, les ressources humaines, bref tout ce qui donne les moyens à une entreprise de prospérer. Le Jardin des Fleurs met à la disposition de ses franchises un numéro de téléphone dédié à chaque activité, de la comptabilité aux ressources humaines. »

Savoir manager

Enfin racheter une franchise exige un bon sens des relations humaines. L’acquéreur est obligé de reprendre les salariés de l’enseigne, qu’il n’a pas choisis. À lui, à elle, donc, de faire en sorte que la transition se passe le mieux possible et que les salariés expérimentés ne quittent pas brusquement le navire. Ce scénario n’inquiète pas du tout notre témoin fleuriste. « J’ai été moi-même salariée pendant sept mois de la boutique que je reprends et je m’entends très bien avec mes ex-collègues. Ils connaissaient mon projet de reprise depuis longtemps et m’ont encouragée dans ma démarche. » Au final, le rachat d’une franchise semble comme une bonne solution pour devenir son propre patron. « Seul petit bémol, je vais sans nul doute travailler beaucoup plus que lorsque j’étais salariée, mais c’est le prix à payer pour diriger son affaire. » Aurélie Freval garde le sourire.

Pierre-Jean Lepagnot

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