Épilogue de l’affaire Pizza Sprint : la Cour de cassation rend une décision défavorable aux enseignes

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Le 28 février, la Cour de cassation a tranché définitivement dans l’affaire opposant le ministre de l’Économie et des Finances auquel s’étaient joint des franchisés à l’enseigne Pizza Sprint reprise par Domino’s Pizza.

Pour rappel, le ministre a le pouvoir d’assigner un franchiseur s’il estime que des clauses du contrat ou ses pratiques sont entachées de déséquilibre significatif. La Cour de cassation estime que l’action du ministre, qui se prescrit par 5 ans, ne commence à se prescrire que lorsque le ministre a connaissance des faits caractérisant une pratique restrictive lui permettant d’exercer son droit.

Ainsi, son action est en fait devenue imprescriptible : pas mieux que s’il était l’auteur d’un crime contre l’humanité ! Cette solution est disproportionnée. Ensuite, le ministre (et les franchisés) ne peuvent faire valoir le déséquilibre significatif que si le franchiseur a soumis ou tenté de soumettre le franchisé à ce déséquilibre significatif. Or la jurisprudence retient souvent le caractère de contractant incontournable (on ne peut compte tenu de sa puissance et de l’organisation du marché se passer de contracter avec lui et il impose alors son contrat systématiquement). Or ici, la Cour de cassation dit qu’après avoir rappelé que la condition tenant à la soumission ou à la tentative de soumission implique la démonstration de l’absence de négociation effective ou l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation, l’arrêt d’appel relève, d’abord,que le réseau Pizza Sprint bénéficiait d’une notoriété certaine dans l’ouest de la France dans un marché particulièrement dynamique et attirait, par cette notoriété et la simplicité du concept, des candidats entrepreneurs individuels.

Il retient ensuite que le franchiseur bénéficiait d’une position prépondérante sur les franchisés, auxquels était imposé un contrat-type de franchise au nom de l’homogénéité du réseau. Il ajoute que les trente contrats produits,conclus avec différents franchisés, sont identiques et n’ont pas été effectivement négociés. Elle valide que cet état de fait (notoriété, simplicité du concept, organisation du réseau par le franchiseur,établissement d’un contrat type de franchise systématiquement proposé) a caractérisé l’existence d’une soumission ou tentative de soumission de la part du franchiseur. Avec des critères aussi larges, le contrôle du déséquilibre significatif des contrats de franchise risque de se généraliser au détriment de la sécurité juridique. En effet, les franchisés vont demander la nullité des clauses qu’ils estiment atteintes de déséquilibre significatif.
Or la Cour de cassation :
– Confirme l’arrêt d’appel qui a annulé la clause d’intuitu personae non réciproque ;
– Confirme l’arrêt d’appel qui a condamné la pratique d’un approvisionnement exclusif dès lors qu’est stipulée une clause de stock minimum.

Certes, la cour énonce que ce n’est pas l’absence de réciprocité de l’intuitu personae qui a constitué le déséquilibre significatif mais le fait que la clause aurait été imprécise en soumettant à agrément toute opération ayant une « incidence » sur la répartition du capital du franchisé ou l’identité de ses dirigeants effectifs. Il est vrai que le pourvoi de l’enseigne reproduit par la Cour de cassation ne visait pas le fait que cette rédaction permettait de s’assurer de l’absence d’un concurrent, même minoritaire au capital, qui aurait pu avoir pour effet de porter atteinte au caractère secret du savoir-faire et à nuire à l’intérêt commun des membres du réseau. La solution de la Cour de cassation, si elle n’enterre pas la clause d’intuitu personae non réciproque, adopte une position qui la fragilise fortement : ses termes seront systématiquement critiqués sur ce fondement par les franchisés qui y ont intérêt.

Quant à la seconde, elle ouvre la voie, en présence d’une clause d’approvisionnement exclusif qui répondrait pourtant aux conditions de licéité en droit des ententes à ne plus permettre à l’enseigne, dans l’intérêt de la satisfaction des besoins des consommateurs, et pour éviter pour le franchisé des ruptures préjudiciables à son chiffre d’affaires, à lui imposer un stock d’exposition et tampon minimum. Peut-être que la solution d’appel était d’espèce, comme certains l’ont affirmé, et liée au contrôle de la centrale d’achat par les mêmes associés que ceux du franchiseur, mais cette circonstance banale, ne fait pas disparaître les motifs légitimes qui président à l’adoption de ces deux clauses dans un même contrat de franchise: l’efficience de l’offre commerciale, la satisfaction du besoin du consommateur et ce faisant le développement de l’image de marque du réseau.

Plus que jamais, la vigilance s’impose du fait de la progression du champ de contrôle du déséquilibre significatif et de la liste des clauses affectées.

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