« Richesse et force du réseau ont constitué des éléments essentiels pour traverser la crise »

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Voilà tout juste un peu plus d’un an que Véronique Discours-Buhot a rejoint le 29 boulevard de Courcelles, siège de la Fédération française de la franchise créée en 1971. Conjoncture difficile même pour une patronne de choc comme celle qui venait d’être adoubée par les instances dirigeantes de la FFF ! Mais bien dans le tempérament de cette économiste de formation, d’abord directrice du merchandising chez Promodès, puis cheville ouvrière de la fusion Promodès-Carrefour avant d’affronter, un week-end de cauchemar, la crise de la vache folle pour le groupe ! Vingt-cinq ans de « grande distri », puis cinq ans dans l’univers de l’harmonisation des standards alimentaires… Non seulement la délégation générale de la « fédé », comme elle dit, était « sur-mesure » pour cette hyperactive aussi capée, mais au surplus un terrain d’idées nouvelles et de nouvelles énergies à dépenser au moment où le concept large de franchise montre sa vitalité dans le premier pays européen du commerce associé.
Il n’empêche que le coup d’arrêt imposé à tous les réseaux va laisser des traces. Véronique Discours-Buhot a d’emblée généralisé la visioconférence au sein d’une fédération qui ignorait jusqu’aux webinaires : des outils que depuis ses points de chute partout dans le monde, au fil de sa carrière, la « boss » a immédiatement généralisés.
C’est par écran interposé bien sûr que nous nous parlâmes…

Vous dirigez, au fond, une TPE d’une dizaine de permanents mais qui fédère quelque 170 adhérents, eux-mêmes au cœur de milliers de franchises. Comment, d’emblée confinés ou presque, avez-vous animé cette fédération peu ou pas préparée à un tel choc ?

J’ai apporté tout de suite ma pratique des échanges par visioconférences, la mise en place des webinaires qui m’étaient si familiers. La fédération en avait bien besoin. Elle fut l’une des premières du commerce à en faire bénéficier nos membres, grâce au collège des experts – une caractéristique de la fédération – nos avocats, nos experts-comptables et nos experts des études de marché qui les ont animés. Un outil qui nous élargit le cercle, au-delà du microcosme parisien. Tous les entrepreneurs qui sont au board de la FFF ne sont pas parisiens, tant s’en faut. Ils et elles sont partie prenante et s’impliquent au même titre que les Parisiens, en partie grâce à cette nouvelle façon de communiquer. En interne, j’ai fait en sorte d’équiper toute l’équipe dès le début du confinement et la réunion quotidienne chaque matin a servi à les familiariser avec l’outil, à anticiper tout risque d’isolement et à aider à se « voir » plus pendant le confinement qu’en présentiel !

Comment l’immense galaxie du commerce associé a-t-elle vécu et vit cette crise écosanitaire avec cet avantage du réseau qui lui confère une solide résilience ?

Le mot du moment est effectivement « résilience ». Nous la supposions, nous en avons eu la preuve. Au-delà des pertes inéluctables que vont encaisser certains réseaux, nous en souffrons beaucoup moins que le commerce que j’appelle « isolé ». Richesse et force du réseau ont constitué des éléments essentiels pour traverser la crise. Ce qui est important, c’est la rapidité de la réaction. D’emblée, la tête de réseau va vous appeler, vous épauler, poser des questions, apporter des informations, comme ce fut le cas de la fédération côté aides gouvernementales. Compter sur le témoignage d’autres franchisés rassure, c’est le moyen de partager les bonnes pratiques. On oublie souvent que la grosse différence entre un entrepreneur isolé et un entrepreneur sous franchise, c’est que la tête de réseau est là pour innover et adapter le concept. Un entrepreneur isolé ne peut tout faire en même temps. La différence cruciale fut l’activation de l’omnicanalité, pas forcément à l’œuvre mais prête à fonctionner, comme le click and collect pour certains ou la livraison.

Les politiques sont-ils conscients des atouts de la franchise ?

Pas forcément. Notre modèle économique est crucial. Dans un pays qui va devoir reconstruire, augmenter le nombre des entreprises, un modèle plus résilient, plus dynamique, plus adaptable et moins risqué, c’est un atout. J’espère que les décideurs entendront ce message.

Quels sont vos interlocuteurs ministériels ?

Nous avons été en lien direct avec Bruno Le Maire et Alain Griset, et très souvent avec l’ensemble des ministres concernés. Nous avions des réunions hebdomadaires avec ces interlocuteurs, souvent le mardi matin, pour rendre compte de la mise en œuvre des mesures, les alerter quand elles étaient difficilement accessibles. Ce fut pour moi la façon de faire connaître la franchise, un temps altérée par des enseignes toxiques, et d’en finir avec l’amalgame courant de « la franchise, c’est une grande enseigne au-dessus d’un magasin ». On nous disait souvent, côté aides, « mais là, c’est un grand groupe… ». Je disais, non. C’est un entrepreneur indépendant qui a mis tous ses deniers dans son entreprise, qui paie une redevance, mais qui est seul face au risque financier et ses créanciers…

Les têtes de réseau ont vraiment agi ?

Oui, tous, à des degrés divers, selon leurs capacités. Le modèle de la franchise a cette vertu que tous ont un intérêt mutuel à la survie de l’autre. On a donc constaté des annulations ou des reports de cotisations. On a vu les animateurs de réseaux présents pour épauler.

Quels sont les secteurs les plus impactés ?

L’équipement de la personne, l’habillement, ont beaucoup souffert. De même que la parfumerie, l’esthétique, même si les premiers grands chocs concernent l’hôtellerie, la restauration assis, les voyages, sans oublier les clubs de sport, dont nous venons de perdre une enseigne.

Et les franchises « en or » ?

Vous citez dans votre enquête les services à la personne qui explosent, mais aussi le bâtiment, je pense à Mikit, les services à l’entreprise, du coaching au courtage, l’intérim, qui sont vraiment des réseaux qui ont bien fonctionné pendant la crise, tout le soutien scolaire, et puis l’immobilier, les travaux domestiques dopés par une recherche de confort et de mieux-être. De nouveaux créneaux fleurissent : autour de la RSE, des jardins d’assainissement – une enseigne qui rejoint la FFF –, des concepts « bio », sans oublier l’omnicanalité et les métiers du tissu, dopés par les travaux personnels des confiné·es.

Avez-vous constaté un retrait des projets de la part des candidat·es à la franchise ou au contraire une poursuite volontaire ?

C’est très important de le dire, les projets lancés ont pour la plupart poursuivi leur progression. Et nous constatons que nous avons beaucoup de candidats à la franchise, ce qui est plutôt lié à la volonté de salarié·es menacé·es de se reconvertir, et bon nombre de gens qui ont réfléchi à un autre mode de vie.
Des enseignes nouvelles adhèrent à la fédération, dont Gautier tout récemment, après, en 2020, Comptoir de Location, location de matériel pour le bâtiment, Merci + côté services à la personne, Nachos, restauration rapide, On Air, clubs de remise en forme ou Tutti Pizza. Toutes les enseignes ne se bousculent pas au portillon de la FFF ?
Notre fédération est sélective. Une cotisation ne suffit pas. Le parcours suppose un comité d’admission qui épluche les contrats de franchise, l’enseigne candidate passe un grand oral, et seulement alors le dossier est présenté au conseil d’administration qui donnera ou non son agrément, avec le code d’éthique requis. Le modèle de la franchise privilégie des villes de moins de 20 000 habitants qui vont retrouver une dynamique.

Propos recueillis par Olivier Magnan

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