La France a peur, à grand tort

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Juste avant Mai-68, Pierre Viansson-Ponté, patron du Monde, écrivait « la France s’ennuie ». À l’orée de Mai-2020, la France a peur. Pour de mauvaises raisons.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

Nous vivons une période paranoïde*.

Ah, certes, les Français/es se sont montré/es discipliné/es. Le seul aspect de nos rues vides, de nos autoroutes désertes, sans accidents, la chute libre des constats amiables et les milliards non déboursés par nos assureurs un peu sourds d’oreille quand il s’agit de contribuer à la solidarité nationale en constituent des preuves surabondantes. Du reste, les JT veillent. Au moindre attroupement, sitôt qu’une file d’attente ou un bord de mer semblent attirer la foule, un « sujet du journal » dénonce la densité humaine suspecte. À chaque fois, je fais des bonds : il s’agit d’images filmées au téléobjectif qui écrase les distances. Là où cent personnes sont espacées d’au moins 1 mètre, l’effet optique donne l’impression que nous nous marchons sur les pieds ! Le plus fort, c’est que dans son Œil du 20 heures qui part en chasse contre les fakenews, France2 a démontré il y a quelques jours cette véritable supercherie journalistique ! Pan sur le bec !

La vérité est que nous avons peur.
Une peur mentale, inavouée, collective. Une peur source de toutes les bêtises et de tous les mensonges.

À force de passer en boucle à 13 et 20 heures les sempiternels dispositifs des commerçants bientôt « déconfinés », on en vient à laisser entendre que la « peste coronavirus » est omniprésente, inéluctable, mortelle à tout coup. Ce qui est faux, vain et paranoïaque. 80 % des personnes infectées par le coronavirus guérissent sans traitement particulier.

À cette amie qui laisse son sac de courses 12 heures dans sa cour avant d’en retirer les denrées, à cette caissière de grande surface de bricolage calfeutrée derrière son plexiglas, masquée et équipée d’une visière, qui fait reculer le client qui a déposé ses achats sur le tapis de deux mètres, le temps pour elle de lire les codes-barres, puis qui l’invite à se rapprocher du terminal de paiement après qu’elle est rentrée derrière son bunker, à cette policière municipale qui contrôle un automobiliste pour la simple raison qu’il s’est garé le temps de répondre à un appel téléphonique, sans pour autant lui demander son « attestation dérogatoire de sortie », à tous ces dénonciateurs stupides qui invectivent anonymement l’infirmière qui habite dans leur voisinage, je dis attention, votre peur est pire que l’épidémie.

Les gestes barrières simples suffisent à casser la chaîne de propagation. Les barrières mentales paranoïdes suffisent à casser une nation. À empoisonner plus sûrement l’avenir que la catastrophe virale.

Demain, déconfiné/es, allons-nous regarder l’« autre » comme une souche à virus permanente, peut-être le prochain « premier contaminé » d’une deuxième vague hypothétique ?

Débarrassons-nous de cette peur non fondée dès lors que nous appliquons des précautions non démesurées. Inspirons-nous des pays voisins où les déconfinements ne riment pas avec décompensation. Ce sera sans doute le plus grand défi que nous aurons à relever. Bas les masques. Tous les masques. Celui de la peur n’est pas forcément hideux. Il couvre parfois votre propre visage.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

*Qui évoque la paranoïa sous forme schizophrénique.

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