Baux commerciaux, 10 « trucs » à garder en tête

Euphorique, l’entrepreneur signe bien souvent sans analyser les obligations auxquelles il s’engage…
Euphorique, l’entrepreneur signe bien souvent sans analyser les obligations auxquelles il s’engage…

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Les relations preneur-bailleur ont été modifiées et régulées depuis trois ans par la loi Pinel. Conseils.

1 – Loi Pinel de 2014 : davantage de transparence

Priscille Crochu, directrice commerciale groupe Financière Teychené, revient sur cette loi du 18 Juin 2014 qui a réformé le statut des baux commerciaux, avec pour objectif de mieux réguler les rapports locatifs des commerçants et des artisans avec leurs bailleurs. Une loi qui a totalement modifié les droits et les devoirs des parties. « L’ensemble des mesures contenues dans la Loi Pinel a créé de la transparence entre les deux parties. Les négociations sont désormais plus simples et plus efficaces. Cette législation a aussi permis de rendre moins de postes de dépenses imputables au preneur, qui ne se protège souvent pas suffisamment ou n’a pas conscience de l’engagement, ni du fait que l’équilibre ne réside pas seulement dans l’établissement d’un loyer « supportable » pour lui : il doit bien prendre en compte toutes les charges. Quant au bailleur, il ne peut pas se séparer comme il le veut de son preneur. C’est aussi une explication du montant des loyers demandés qui paraissent parfois un peu élevés, précisément parce qu’il lui sera difficile de les faire évoluer à l’avenir. »

2- Appuyez-vous sur les agents

Contrairement à il y a quelques années, où il existait un vrai rapport de force entre le fort bailleur et le faible preneur, la complication du marché a favorisé la mise en place et le maintien de partenariats équilibrés entre les deux parties. Les professionnels du secteur sont clairs : il faut partir dans l’idée que tout est négociable avec le bail commercial, ce qui n’est pas le cas pour les baux d’habitation. Des intermédiaires sur lesquels il faut aussi se reposer puisqu’ils ont tout intérêt à ce que les preneurs trouvent le bien qu’il leur faut et réussissent dans leurs activités pour les accompagner dans leur développement.

3 – Un engagement sur 9 ans… vraiment ?

La durée initiale d’un bail commercial est d’au moins 9 ans, sans qu’il existe de maximum prévu. « Ce ne sont pas les mêmes règles de déplafonnement de loyer qui s’appliquent. Le preneur doit donc être vigilant de ce point de vue », prévient Matthieu Martignole, mandataire immobilier dans l’Essonne. 9 ans, une durée incompressible, a priori. Le bailleur peut en effet résilier tous les 3 ans dans des cas très clairement identifiés : adjonction d’un nouveau bâtiment à l’immeuble, surélévation de l’immeuble notamment. Une résiliation anticipée très encadrée qui l’oblige alors à verser une indemnité à son locataire. Et le locataire ? Il a davantage de souplesse puisqu’il peut résilier sans motif tous les 3 ans, une possibilité nouvelle là aussi offerte par la Loi Pinel, mettant ainsi fin au bail ferme, sauf dans 3 cas très précis, comme le précise la CCI Paris Ile-de-France : « pour les baux portant sur des locaux à usage exclusif de bureau, pour les baux qui portent sur des locaux monovalents c’est-à-dire dévolus à une seule activité, et pour les baux d’une durée initiale supérieure à 9 ans. » Consultées, certains agences immobilières confirment aussi que le recours à des baux précaires de 6 mois, un an voire un peu plus, sont de plus en plus proposés par les propriétaires qui veulent « tester » leur locataire ; l’avantage pour ce dernier étant aussi, notamment dans le cadre d’un lancement d’activité, d’en faire de même et de mesurer le risque de ces charges fixes, prenant en même temps celui de ne pas être reconduit. « Une pratique à double tranchant, souvent très tentante pour les petites entreprises ou commerces qui se lancent, mais dont il faut bien aussi mesurer le risque de non renouvellement, concède Matthieu Martignole. Personnellement, je le conseille à des baux à usage de bureaux mais pas pour un commerce. »

4 – États des lieux obligatoires

Facultatifs jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Pinel, ils sont devenus obligatoires. Matthieu Martignole y voit une protection renforcée pour le preneur : « pour les bailleurs les moins scrupuleux ou ceux qui ne faisaient pas attention, les choses sont désormais claires : l’état des lieux d’entrée et de sortie fait foi. Plus question donc de prétendre avoir livré un bien en bon état alors que ce n’était pas le cas et, au moment de la fin de bail, d’imposer une discussion sur la caution. Ceci étant, cela doit aussi inciter les locataires à être très méticuleux au moment de la signature du bail et de l’état des lieux d’entrée. Ils sont parfois dans l’euphorie d’avoir trouvé ce qu’ils cherchent, dans une phase de création ou de développement qui les happe. Il convient donc de prendre ce temps important, et évidemment, de faire bon usage et d’entretenir le local. »

5 – Répartition des charges

Avant la loi Pinel, c’est la liberté contractuelle qui l’emportait et il était ainsi possible de faire supporter au preneur l’ensemble des réparations éventuelles de l’immeuble, mais également l’ensemble des taxes supportées normalement par le bailleur. L’article L 145- 40 -2 de la Loi Pinel prévoit d’une part une répartition précise des charges et d’autre part, par un décret du 3 novembre 2014, une liste limitative des dépenses pouvant être mises à la charge du locataire. Cet article les prévoit en précisant notamment que les gros travaux, la mise en conformité avec la législation, les travaux de vétusté, les impôts, dont le redevable légal est le bailleur, ne peuvent pas être mis à la charge du locataire.

6 – Travaux : qui doit faire quoi

Historiquement, il existe une distinction entre les travaux d’entretien de l’article 605 du Code civil qui sont à la charge du locataire et ceux qui sont relatifs au « clos et au couvert » de l’article 606 du même code qui sont à la charge du bailleur. Avant la loi Pinel, il était possible de déroger à cette répartition. Mais, pour les baux conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014, il est établi que ne peuvent plus être mis à la charge du locataire les gros travaux de l’article 606 du Code civil, pas plus que les honoraires liés à la réalisation de ces travaux, ce qui exclue également les travaux pour mise en conformité avec la réglementation pour l’accessibilité aux personnes handicapées, qui étaient parfois à la charge du locataire via une clause dans le bail. Une évolution notable soulignée par Priscille Crochu, qui invite à être attentif à des mentions concernant les travaux spécifiques. « Les gros travaux comme les réparations de gros murs et de voûtes, le rétablissement de poutres, de couvertures entières, de digues, de murs de soutènement ou de clôture ne sont plus à la charge du preneur. Dans les contrats, il peut exister des clauses juridiques qu’il vaut mieux repérer afin d’éviter les mauvaises surprises comme la prise en charge de certains travaux spécifiques. »

7 – Loyers : pas plus de 10% par an lors de la révision

La valeur locative, encadrée et fixée selon des critères prévus par la loi (L145-33), tels que la situation, la surface, la destination des lieux, les prix du voisinage, etc, donne lieu à une révision légale tous les 3 ans à l’initiative du bailleur ou du locataire. Toutefois, la loi prévoit un plafonnement de la hausse de loyer correspondant à la hausse d’indices propre aux baux commerciaux (ILC ou ILAT), sauf si « est rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité engendrant une hausse de + de 10% de la valeur locative. Dans ce cas, le plafonnement prévu ne s’applique plus et le loyer est alors fixé à la valeur locative »,  indique la CCI Ile-de-France. Ce pourrait être simple, mais la loi Pinel précise que, malgré ce déplafonnement, l’on ne peut rejoindre la valeur locative que par tranche de 10% par an…

Quid pour un renouvellement ? C’est beaucoup plus simple. Réalisé à l’initiative d’une des deux parties, le nouveau bail peut être entièrement renégocié mais, à défaut d’accord entre les parties, ce sont les clauses de l’ancien bail qui sont reprises.

8 – Loyers (bis) : de l’intérêt des deux parties

Priscille Crochu aborde par ailleurs des pratiques et des attitudes qui évoluent sur les marchés immobiliers du bien professionnel en locatif. « Le bailleur n’est pas là pour s’enrichir coûte que coûte. Dans la recherche d’une relation équilibrée, nous constatons par exemple des loyers évolutifs sur les trois premières années du bail, où le preneur n’a qu’à payer 80% puis 90% du loyer officiel les deux premières années avant d’atteindre les 100% la troisième. Cela va faciliter son investissement. Quant au bailleur, cela peut aussi lui permettre de mettre en place une relation de confiance, voire de soutien dans certains cas à une entreprise en développement. »

9 – Sous location : possible mais…

Sous l’effet des Open space, d’une réorganisation du travail (mobilité, télétravail, etc), il est fréquent qu’un locataire inclue la participation d’autres entités dans sa recherche de locaux à usage de bureaux. Et s’il a généralement conscience que c’est bien lui qui s’engage pour la surface occupée et le loyer, il faut bien voir les choses sous différents prismes. « Il y a deux solutions : soit le bailleur accepte cette sous location, mais cela doit être inscrit dans le bail – qui mentionne initialement l’inverse en général, avec le risque tout de même que votre colocataire s’en aille et que vous deviez en trouver un autre ou, à défaut, supporter seul le montant du loyer et des charges. Soit le bailleur accepte de louer un local à plusieurs entités. Ce n’est pas forcément très simple pour lui, mais cette demande est de plus en plus fréquente, notamment de la part de TPE et start-up, envisagée par les bailleurs, en fonction de la tension du marché. »

10 – Congé et droit de préférence

Là, c’est la loi Macron qui a modifié, en 2015, le régime des baux commerciaux. Le congé est ainsi encadré comme le détaille la CCI Alsace Métropole : « le congé, désormais donné uniquement par acte extrajudiciaire, peut être donné par le preneur à l’expiration d’une période triennale. Le bailleur, lui, qui entend invoquer un refus de renouvellement du bail commercial, afin de construire, reconstruire ou surélever l’immeuble existant, de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain, dispose de la faculté de donner congé par acte extrajudiciaire. Le locataire qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité (ou ses ayants droit en cas de décès du locataire) a aussi la faculté de donner congé par lettre recommandée ou par acte extrajudiciaire. » Quid de locaux qui seraient vendus ? C’est là qu’intervient le droit de préférence. Depuis la loi 2014, il existe en effet, au profit du locataire en cas de vente des locaux loués. Dans les faits, « le locataire dispose de 2 mois pour se prononcer. Une fois sa réponse positive donnée, il a entre 2 à 4 mois pour acheter et le bail disparaît ainsi par confusion. » Et dans le cas où le locataire ne reçoit pas d’offre, il lui est offert la possibilité d’agir en nullité de la vente au tiers.

Olivier Remy

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